Pédagogie différenciée et différenciation pédagogique, facteurs d’excellence dans l’enseignement public du FLE

Abstract
In Greece, the new foreign languages curriculum has a utilitarian role and aims at the language education of the pupil by helping him to develop communicative skills in the target language, linguistic, intercultural and mediation skills. Moreover, it puts forward the DP as it prescribes the elements of the cognitive object to be taught rather than the exact moment or the way in which they should be taught, given that teaching methods, techniques, division of subject are determined by factors that are directly related to students, teachers and different learning environments (http://iep.edu.gr:8080/index.php/en/39-ksenes-glosses/466-eniaio-programma-spoudon-ksenon-glosson).
Strategy is needed to lead students with heterogeneous needs towards common goals, to « maximize somebody’s talent » (Jobin & Gauthier, 2008) and to adopt a positive attitude towards a potentially rewarding situation (Tomlinson & McTighe, 2010). This article includes definitions of differentiated pedagogy and pedagogical differentiation, the added value that these two methodologies can bring, the methods of their implementation, the conditions of their success and some examples of pedagogical differentiation in classrooms in public education.

1. Introduction

Une classe, différents types d’élèves.

« Différencier, c’est avoir le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité » (Meirieu)

Les classes d’aujourd’hui sont hétérogènes. On constate une diversité culturelle, sociale, cognitive, affective et motivationnelle plus importante que celle d’autrefois. Face à cette diversité, la pédagogie différenciée apparaît comme une solution, une nécessité pour favoriser la réussite scolaire de tous. Le nouveau programme de langues étrangères favorise l’implémentation des stratégies d’enseignement portées sur les contenus, les processus d’apprentissage, les productions d’élèves ou encore l’environnement de travail en classe afin d’envisager l’hétérogénéité des élèves. L’enseignant peut décider comment et quand il va créer le curriculum « local » adapté aux caractéristiques particulières de ses élèves et de son école (Ζέππος, 2016).
L’enseignement différencié doit donc faire partie des compétences acquises par les enseignants. Pourtant, les observations montrent la difficulté à passer de la théorie à la pratique.
On a besoin de stratégie, pour mener les élèves aux besoins hétérogènes vers des objectifs communs, pour « maximiser le talent de chacun » (Jobin et Gauthier, 2008) et pour adopter une attitude positive face à une situation potentiellement enrichissante (Tomlinson & McTighe, 2010). On prend comme point de départ des évaluations diagnostiques identifiant le niveau de développement des élèves, leurs styles cognitifs et leurs intérêts et sur la base de ces évaluations, l’enseignant varie ses pratiques pédagogiques.
Cet article contient des définitions de la pédagogie différenciée et de la différenciation pédagogique, la valeur ajoutée que peuvent apporter ces deux méthodologies, les modalités de leur mise en place, les conditions de leur réussite et quelques exemples de différenciations pédagogiques en classe dans l’enseignement public.

2. Pédagogie différenciée et différenciation pédagogique : la fin et les moyens

Selon Howard Gardner, Professeur à la faculté d’Éducation à l’université de Harvard « La pédagogie différenciée s’inspire de la théorie des intelligences multiples pour atteindre tous et toutes les élèves » (www.howardgardner.com).
La pédagogie différenciée se donne comme objectif de tout mettre en œuvre pour que l’ensemble des élèves d’une même classe d’âge atteignent les compétences attendues par les programmes et « ultimement, la réussite éducative. » (Conseil supérieur de l’éducation du Québec, www.cse.gouv.qc.ca).
Pour A. de Peretti,

La pédagogie différenciée est une méthodologie d’enseignement et non une pédagogie. Face à des élèves très hétérogènes, il est indispensable de mettre en œuvre une pédagogie à la fois variée, diversifiée, concertée et compréhensive. Il doit y avoir une variété de réponses au moins égale à la variété des attentes, sinon le système est élitiste. Chaque enseignant est différent dans sa manière de faire et il reconnaît à l’autre le droit d’avoir une méthode différente. La diversification est facteur de réussite. Du bon sens, de la bonne entente, sont des gages de réussite. Le travail en équipe devient une obligation de service, l’enseignant ou l’enseignante ne peut rester isolé (http://francois.muller.free.fr/diversifier/peretti.htm).

Pourtant la pédagogie différenciée n’est pas « le culte de la différence » (Bernard Xavier RENE) ni une pédagogie miracle.

La différenciation pédagogique :
 Ce que c’est - Ce que ce n’est pas (Adapté de Caron, 2003) 

3. Modèle de différenciation pédagogique de C.A. Tomlinson

La différenciation pédagogique comprend : des tâches selon les capacités des élèves, des regroupements flexibles, une évaluation et des ajustements continus (Tomlinson, 1999).

4. Pourquoi différencier ?

« Deux individus n’ont jamais exactement le même parcours éducatif, même s’ils se tiennent
par la main durant des années » (Perrenoud)

Pourquoi différencier ? Pour répondre aux besoins individuels des apprenants et réduire les écarts de performance entre les élèves (Stroughter,2012). Pour assurer une égalité des acquis de base. Pour soutenir la motivation à apprendre. Pour lutter contre le décrochage scolaire et amener chaque élève au maximum de son potentiel : des principes qui appellent, en amont de toute stratégie d’adaptation, une certaine éthique philosophique synthétisée sous l’expression de « postulat d’éducabilité ». Un postulat issu des philosophes (notamment Hebrart) et dont Meirieu (2008) a proposé - avec succès - l’application à l’éducation.

5. Différencier : pour qui, quand et comment ?

Pour qui ? Pour les élèves en difficultés d’apprentissage, mais aussi pour les plus habiles et les plus rapides.

Quand et comment ? On propose le découpage de l’enseignement sur un axe temporel : avant, pendant et après où chaque temps est associé à des objectifs pédagogiques précis (Forget, 2017).

Différencier à quel moment ?
On peut différencier

  avant l’enseignement  :
a) Tester (oralement) les prérequis : j’aimerais savoir ce que vous savez déjà dire en français ; ce que vous avez déjà appris.
b) Réactiver : vous rappelez-vous ce qu’on a fait la semaine dernière en français ? Qui peut m’expliquer ce qu’on a travaillé ?
c) Préparer : lundi, nous allons travailler sur l’argumentation. J’aimerais chercher avec vous aujourd’hui des exemples de situations dans lesquelles on argumente.
Cette modalité de différenciation où l’enseignant prépare les élèves les moins à l’aise à la prochaine séance en fournissant quelques clés, aide les élèves à suivre plus facilement le cours suivant et se sentir plus motivés. (Burger,2010).

  pendant l’enseignement  :
1- Soutenir : je vous propose de lire ce texte et puis répondre à ces questions de compréhension. Pour vous faciliter, j’y ai ajouté des pictogrammes et des banques de mots et d’expressions.
2- Adapter : je vous propose de faire cet exercice de classement alphabétique. Nous allons utiliser le dictionnaire pour vérifier notre classement.
3- Évaluer (formatif) : nous avons travaillé ensemble sur l’emploi et la formation du Passé composé ; pouvez-vous me dire quand on utilise le Passé composé et me donner quelques exemples ?

  après l’enseignement  :
a) Exercer : aujourd’hui on va s’entraîner au vocabulaire du sport qu’on a travaillé hier mais sans l’aide du dictionnaire cette fois-ci. Chacun de vous va me présenter son sport préféré et l’équipement demandé pour pratiquer ce sport.
b) Revoir : j’ai compris par vos évaluations que vous n’êtes pas encore à l’aise avec la distinction entre Passé composé et Imparfait. Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer la différence ?

Les sept familles d’aide de Roland Goigoux 
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/ien12-millau/spip/IMG/pdf/les_7_familles_d_aide_r._goigoux_.pdf

Pour que la différenciation pédagogique soit positive, la recherche montre qu’il faut :
 Enseignement individualisé et des attentes scolaires élevées pour tous.
 Des objectifs précis et à court terme suivis de feedbacks régulièrement.
 Des temps d’enseignement collectifs en classe entière.

6. Quatre conditions pour faire réussir tous les élèves

Un temps d’apprentissage ajusté aux rythmes d’apprentissage des élèves
Réorganisation du temps d’enseignement et/ou préparation des élèves en amont du cours.
a) Un rapport adéquat entre l’élève et l’école
Il faut partir de connaissances acquises des élèves pour les amener vers de nouveaux savoirs et compétences.
b) Un environnement structuré, avec des aides et des repères
Plus un élève est en difficulté, plus il a besoin d’un apprentissage bien structuré : des objectifs clairs, synthèses régulières, retours aux consignes, bilan de ce qui a été appris.
c) Des situations d’apprentissage limitant les informations inutiles
Une tâche avec trop d’informations souvent inutiles, peut engendrer des difficultés chez les apprenants. Les enseignants peuvent épurer surtout les documents numériques, pour aider leurs élèves arriver aux enjeux principaux de l’apprentissage.

7. Des effets négatifs possibles

  Sur l’apprentissage des élèves
Souvent les enseignants proposent des activités plus simples et moins stimulantes aux élèves en difficulté envers lesquels ils ont des attentes faibles. Ils leur donnent des feedbacks moins précis sur leurs performances et moins d’autonomie. Pour faire « avancer la classe », ils peuvent aussi moins les solliciter pour répondre à l’oral et leur donner moins de temps pour répondre. Ce type de traitement accroît les écarts de performance entre les élèves et démotive les élèves les plus faibles.

 Sur la motivation des élèves
Certaines formes de différenciation pédagogique (groupes de niveau, au sein d’une classe, pérennes dans une année scolaire) peuvent avoir des effets négatifs sur la motivation des élèves car elles diminuent leur intérêt et leur engagement, et favorisent les violences à l’école.

Les pratiques de classe qui renforcent la compétition entre élèves mettent en avant les élèves les plus performants qui ont donc de meilleurs résultats finaux.
L’enseignant peut choisir des compétences variées (académiques, sportives, artistiques…) et donner à chaque élève l’opportunité de devenir tuteur dans le cadre d’une pédagogie coopérative (Galand, Cnesco, 2017).

8. Les cinq étapes de mise en place d’une différenciation pédagogique

Étape 1 : Définition de la situation actuelle et d’une problématique (évaluation diagnostique)
Étape 2 : Définition de la situation désirée
Une fois la situation actuelle définie, on doit préciser la situation désirée : ce que les élèves doivent apprendre, ce qui sera amorcé ou modifié, pour y contribuer. Une diversité d’actions est proposée :
 sélectionner certains contenus.
 modifier les formules pédagogiques.
 créer un matériel ou un support visuel.
 ajuster le programme d’activités.
 varier les modes de regroupement, etc.
Étape 3 : Planification de l’action
Étape 4 : Action
Étape 5 : Évaluation de l’action

8.1. Exemples de différenciations pédagogiques en classe.

8.1.1. Le jeton de la réussite
Objectif : donner aux élèves accès aux aides prévues par l’enseignant. Un jeton correspond à une aide choisie par l’élève.
Situation : l’élève peut échanger son jeton contre une aide du type : recours au professeur (étayage, précision ou reformulation de la consigne,...), à un outil (dictionnaire, cahier, manuels, affichages, ...) ou à un camarade de la classe.
Consigne : « Je vous donne un jeton (ou plusieurs) en début de séance pour avoir accès à une aide possible : si vous avez besoin par exemple, de voir votre cahier de leçons, vous déposez un jeton dans la boîte. »
Variantes : donner des jetons à tous ou seulement à ceux qui en ont besoin, décider sur le nombre de jetons possibles, en fonction de la difficulté de la séance, du moment de l’année… proposer le même dispositif en travail de groupe (un jeton par groupe), faire varier la valeur du jeton (aide du professeur = 2 jetons, aide d’un outil = 1 jeton).
Esprit de la mesure : proposer une variation d’aides possibles, donner le choix aux élèves de les utiliser ou non, travailler sur le degrés d’autonomie de vos élèves de séance en séance et diminuer les demandes spontanées auprès de l’enseignant.

8.1.2. Seul puis à deux
Objectifs : argumenter sur ses choix et être capable de formuler une réponse commune.
Situation : l’élève se confronte seul à la tâche scolaire durant 5 minutes puis il discute ses résultats avec son voisin. Chacun explique son résultat et sa façon de travail, et à deux, ils présentent en plénière une réponse commune.
Consigne : « Travaillez d’abord seul pour répondre à la question posée. Puis, à deux, comparez vos productions et proposez une réponse et méthode communes. »
Variantes : les élèves peuvent choisir leurs binômes puis ils évoluent si l’enseignant l’estime nécessaire.
Esprit de la mesure : développer la solidarité et ne pas laisser l’élève seul face à une difficulté.

8.1.3. La foire aux savoirs
Objectif : mobiliser les élèves lors d’une prochaine séance d’apprentissage.
Situation : une séance de 20 minutes, en amont de la séance principale qui permet aux élèves de poser des questions sur un nouveau thème choisi par l’enseignant. Le professeur ayant prévu les obstacles possibles à la construction de la notion, il a préparé des réponses écrites sur des cartons qui sont à la disposition des élèves. Chaque carte peut contenir : un mot-clé, une définition, une image, une liste de mots… Les élèves cherchent les cartes réponses correspondantes à leur question. Ensuite, ils présentent chaque question/réponse à la classe.
Consigne : « Choisissez une question sur le thème énoncé et trouvez la bonne réponse parmi les cartes. »
Variantes : les réponses peuvent figurer sur des cartons, dans des textes, des manuels scolaires, des sites internet…
Esprit de la mesure : ne pas rester les élèves avec leurs interrogations en tête.

Repéré à https://web.ac-toulouse.fr/automne_modules_files/pDocs/public/r26541_61_livret_dexemples_de_mesures_de_diffe769renciations_pe769dagogiques.pdf

8.2. Des projets collectifs pour la classe

Introduire la méthode qui permet le choix aux élèves.

8.2.1. Pour le collège : on peut choisir la France ou sa capitale comme thème principal du projet. Le but du projet, ou bien de la tâche est de réaliser un travail qui présente un point de vue sur la France/Paris en utilisant des moyens et matériaux appropriés. Les élèves peuvent donc eux-mêmes choisir le point de vue selon leurs intérêts et décider comment ils vont réaliser le travail.

8.2.2. Travail en paires ou seuls : Les élèves décident de leur sujet et planifient la réalisation du travail. Des idées originales mais en même temps réalisables : trois ou quatre leçons entières pour la planification, réalisation et présentation de leurs productions.

8.2.3. Pour le primaire : Organiser une fête Halloween à votre école. Sur le site https://www.teteamodeler.com/dossier/halloween/diapo-halloween-09.asp, vous pouvez trouver plusieurs idées pour vos élèves à travailler en paires ou seuls.
En voici quelques-unes :
 Bonbons Halloween
 Cartes Halloween
 Citrouilles Halloween
 Cliparts, e-cartes, fonds d’écran
 Coloriages Halloween
 Cuisine Halloween
 Décorations Halloween
 Déguisements
 Costumes d’Halloween
 Maquillage d’Halloween
 Maquiller les enfants pour Halloween
 Histoire et légendes Activités sur Halloween
 Jeux Jouets d’Halloween

9. Des outils numériques qui favorisent la DP

9.1. Padlet

Une application en ligne permettant de créer un mur de travail collaboratif : travail collaboratif et coopératif en groupes. Dépôt de productions par les élèves
Inscription sur http://www.padlet.com (gratuit)

9.2. Genially

Une application en ligne permettant de générer des images interactives, en leur adjoignant du texte, des vidéos, des liens vers des pages web.
Inscription sur https://www.genial.ly/fr (gratuit)

9.3. Framindmap

Logiciel libre et gratuit, sans installation. Les cartes peuvent être partagées, modifiées à plusieurs (pas en temps réel), téléchargées sous différents formats (freemind, images, texte). Vous pouvez les insérer dans votre site web.
Inscription sur https://framindmap.org/

10. Conclusion

En résumé, ni un enseignement « tout collectif », ni un enseignement « tout individualisé » est une assurance de succès. Il n’existe pas de « recette miracle », mais un panel de pratiques pédagogiques que l’enseignant doit être capable d’adapter aux situations d’apprentissage et aux élèves.
La pratique de la pédagogie différenciée accorde une place importante aux travaux de groupes ce qui favorise les interactions entre les individus, améliore les relations avec les autres et conduit à un élargissement des stratégies cognitives de tous et un enrichissement mutuel. Elle permet aux individus de prendre confiance en eux et dans leurs capacités tout en gardant leur autonomie. Pour l’enseignant appliquer la méthodologie différenciée c’est 

Accepter de travailler sur soi, ses préjugés, ses images de l’apprenant acceptable…. remettre constamment en cause l’organisation de la classe et des activités, pour jongler avec les contraintes de temps et l’espace, pour tirer le meilleur parti des possibilités de groupement et d’interaction (Perrenoud, 1994).