(Inter)actions et place du corps dans l’interaction langagière en classe d’éveil aux langues à l’école maternelle

En France, les nouveaux programmes d’enseignement de l’école maternelle comportent le domaine « Mobiliser le langage dans toutes ces dimensions » intégrant désormais un éveil à la diversité linguistique (Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015, page 8). La prise en compte du plurilinguisme à l’école semble avoir le vent en poupe (Krüger, Thamin et Cambrone-Lasnes, 2016). A l’ère de la mondialisation des échanges, la question n’est pas de savoir « pourquoi » mais « comment » préparer le jeune enfant à vivre dans un monde linguistiquement et culturellement divers ? Pour y parvenir, en quoi l’approche interdisciplinaire peut-elle susciter une motivation significative chez les élèves ? Notre présente contribution rend compte d’une recherche-action-formation intitulée « Eveil aux langues par l’activité physique au cycle 1 », financée par le ministère de l’Education nationale dans le cadre du dispositif m@gistère (formation continue hybride adressée aux professeurs des écoles). Cette approche interdisciplinaire innovante vise à promouvoir la diversité linguistique et culturelle en mettant en relation les « langues du monde » et le « corps en mouvement » tout en mobilisant divers styles d’apprentissage (Gardner, 2003). Il s’agit de développer chez les élèves des connaissances à propos des langues et du langage, dans un environnement ludique, en s’appuyant sur plusieurs activités physiques, sportives et artistiques, sans avoir pour ambition première d’enseigner ces langues de tout statut (national, régional, international, minoritaire et/ou familiale). En nous inspirant de la réflexion de Joëlle Aden (2013) sur « L’apprentissage des langues par corps » que nous avons contextualisée, l’ancrage théorique de notre recherche se résume comme suit :
« Que sait le corps que la pensée ne sait pas encore [Lecoq, 1997] lorsque nous interagissons ? Si apprendre des langues nous sert à (inter)agir [CECRL, 2001] pour co-construire un monde partagé, combien de temps encore allons-nous nier le rôle du corps et des émotions dans l’interaction humaine ? Nos corps sont nos fenêtres sur le monde, ils médient tout ce que nous apprenons et permettent à nos cerveaux de cartographier le réel [Damasio, 2010]. Nous n’avons pas d’autres alternatives que de favoriser un apprentissage par corps (...) » (Aden, 2013) et une inscription corporelle du langage (Varela, 1993) en préparant le jeune enfant à vivre dans ce monde plurilingue et pluriculturel (Hélot et Rubio, 2013 ; Troncy, 2014).
La phase d’implémentation de ce projet m@gistère (2014-2016) est en cours. Toutefois, nous pouvons déjà identifier, à partir d’observations de classe, des enjeux pédagogiques, sociaux et identitaires à l’œuvre dans les interactions et la place du corps en classe. Notre communication s’attachera à présenter les résultats de l’analyse logico-sémantique des données recueillies.