Revue Méthodal

Méthodologie de l'enseignement-apprentissage des langues

Les modalités de mise en œuvre d’un cours d’entraînement stratégique pour les étudiants en philologie romane

Krystyna SZYMANKIEWICZ , Université de Varsovie, Pologne


Résumé
Le présent article constitue une analyse de deux modalités de développement des stratégies d’apprentissage chez les étudiants débutants en FLE durant la première année de leurs études en philologie romane de l’Université de Varsovie. Sont comparés : des travaux pratiques où les étudiants s’appliquent à utiliser des stratégies concrètes lors de la réalisation de tâches langagières, tout en étant obligés de tenir un journal de bord et un cours magistral de psychologie d’apprentissage, développant la métacognition, accompagné d’exercices pratiques.
Ce sont d’une part les fondements théoriques de la psychologie d’apprentissage et de la didactique des langues, et d’autre part l’évaluation faite par les étudiants en fin de semestre qui ont permis de dresser un éventail d’avantages et d’inconvénients de chacun des cours présentés, pour, enfin, donner lieu à l’évaluation de l’utilité des modalités précises d’un cours d’entraînement stratégique dans le contexte universitaire.


Abstract
This article is an analysis of two modalities of developing learning strategies for beginner students in FFL during the first year of their studies in Romance Philology at the University of Warsaw. Are compared : practical work where students apply to use concrete strategies when performing language tasks, while being obliged to keep a logbook and a lecture course of learning psychology, developing metacognition, accompanied by practical exercises.
On the one hand, the theoretical foundations of learning psychology and language didactics, and on the other hand, the assessment made by the students at the end of the semester, made it possible to draw up a range of advantages and disadvantages of each of the courses presented, to finally give rise to the evaluation of the usefulness of the precise modalities of a strategic training course in the university context.


Introduction

L’objectif de cet article est de partager une expérience d’enseignement des stratégies d’apprentissage en contexte universitaire. Il s’agit de deux modalités de mise en œuvre d’un cours d’entraînement stratégique qui ont été pratiquées depuis 2011 en philologie romane à l’Université de Varsovie avec des étudiants apprenant le FLE en tant que débutants. Nous nous interrogerons notamment sur les avantages et les points faibles de chacun de ces deux types de cours en nous référant entre autres aux évaluations faites par les étudiants.

1. Fondements théoriques

La réflexion ici proposée part d’une prémisse généralement admise en didactique des langues, selon laquelle l’apprentissage d’une langue étrangère (désormais LE) - comme tout apprentissage d’ailleurs - est un processus stratégique, dont l’efficacité dépend de la compétence savoir-apprendre basée sur une conscience métacognitive (CECR, 2001 ; Harris, 2002).

1.1. Les stratégies d’apprentissage et la métacognition

Rappelons que les études sur le « bon apprennant » en langues, entreprises dans les années 70 du XXe siècle (Rubin, 1975, Stern, 1975, Naiman et al., 1978), ont permis d’identifier et de classifier des stratégies efficaces dans l’apprentissage des LE. Sans citer ici ces différents classements, on peut constater que le profil du « bon apprenant » se caractérise par une attitude active envers l’apprentissage ainsi que par un usage efficace d’un éventail varié de stratégies. Les études menées par O’Malley et Chamot (1990) ont laissé apparaître que « les apprenants faibles disposent d’un choix de stratégies nettement plus restreint et qu’ils en font en outre l’usage moins fréquent que les bons apprenants » (Harris, 2002, p. 19). Ceci s’explique par le fait que, contrairement aux apprenants peu efficaces, les bons apprenants ont recours à des stratégies métacognitives qui leur permettent de planifier, de contrôler et de gérer le déroulement de leur apprentissage, p. ex. en choisissant des stratégies adaptées à la tâche qu’ils sont en train de réaliser (Dąbrowska, 2011a, p. 151).
C’est sur ce fond qu’est née l’idée de former les apprenants à l’apprentissage. L’objectif de l’enseignement des stratégies d’apprentissage est de développer une conscience métacognitive portant sur le quand, le pourquoi et le comment de l’usage des stratégies (Wenden, 1998), ce qui permettrait aux apprenants de prendre en charge leur apprentissage en devenant de plus en plus autonomes (Chamot et al., 1999, Holec, 1982). Cet objectif paraît d’autant plus justifié que les recherches sur l’enseignement des stratégies d’apprentissage des langues (Harris, 2002) ainsi que sur le développement de la conscience métacognitive (Tardif, 1997, Romainville, 2007) ont démontré que la plupart des apprenants n’utilise pas spontanément les stratégies métacognitives lors de l’apprentissage. Cependant la métacognition - le savoir que l’on a sur sa cognition ainsi que sur le savoir procédural - a un apport bénéfique sur le processus d‘apprentissage (Tardif, 1997, Wolfs, 2007). L’élève qui pratique une réflexion métacognitive sur ses propres manières d’apprendre devient non seulement plus autonome, mais aussi plus motivé, mieux organisé, capable d’adapter ses stratégies d’apprentissage (Cottrell, 1999, Romainville, 2007). Toutefois, la métacognition n’est pas une qualité innée, elle se développe avec l’expérience, la socialisation et la scolarisation (Borkowski & Muthukrishna, 1992, cité dans Broyon, 2006, p. 107). Il existe de même d’importantes différences individuelles au niveau de l’appropriation de cet outil. Bref, il est sans doute envisageable et utile de développer la métacognition même en contexte universitaire, car certains étudiants ne doivent pas forcément avoir une conscience métacognitive approfondie.

1.2. Les modèles d’apprentissage de référence pour l’enseignement des stratégies

Comme explique Dąbrowska (2011a, p. 154), les conceptions de l’entraînement aux stratégies se réfèrent aux modèles psychologiques d’apprentissage tels que le modèle cognitif, basé sur la théorie du traitement de l’information de Anderson (1983, 1985) et les modèles socio-cognitifs : celui de Vygotsky (1962, 1978) ainsi que celui de Bandura (1986).
Le modèle cognitif présente les processus mentaux en insistant sur la différence entre le savoir déclaratif et le savoir procédural. Selon ce modèle, la mise en place des connaissances se fait en trois phases : dès l’acquisition d’une connaissance déclarative, en passant par la pratique, jusqu’à la maîtrise des connaissances procédurales. Autrement dit, l’apprenant passe d’abord par un stade cognitif, ensuite par un stade associatif, pour enfin arriver à un stade d’autonomie. Il en résulte que l’instruction devrait être suivie de nombreuses opportunités d’utilisation du nouveau savoir dans la pratique. A cela s’ajoute le rôle des différentes stratégies d’apprentissage. Les stratégies cognitives permettent d’assurer le passage des informations de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. Les stratégies métacognitives, à leur tour, assurent le contrôle de l’activité intellectuelle. Ceci explique l’intérêt pour le développement de la métacognition des élèves.
Les modèles socio-cognitifs accordent de l’importance non seulement aux processus cognitifs mais aussi à l’influence des facteurs affectifs et celle du contexte social sur l’apprentissage. Pour Bandura (1986, cité dans Dąbrowska, 2011a, p. 155) l’apprentissage résulte d’une interaction entre traitement cognitif, facteurs individuels (dont la motivation), comportement et environnement. Cette conception met en relief le rôle du modelage et des stratégies socio-affectives. Le modelage constituait aussi un mécanisme d’apprentissage important pour Vygotsky (1962, 1978, cité dans Dąbrowska, 2011a, p. 156) qui soulignait le rôle de l’observation par l’enfant d’un individu compétent lors de la réalisation des tâches. Ainsi, les modèles socio-cognitifs justifient-ils le recours de l’enseignant au modelage des stratégies d’apprentissage chez les élèves.

1.3. Les principes d’organisation d’un cours d’entraînement stratégique

Plusieurs paradigmes de cours d’entraînement stratégique ont été élaborés et mis en pratique, comme par exemple The Cognitive Academic Language Learning Approach (CALLA) de Chamot et O’Malley (1986), le modèle d’Oxford (Oxford et al., 1990) ou encore 6 projets de recherche sur l’enseignement des stratégies d’apprentissage dans des pays européens relatés dans Harris (2002). Ces expériences ont permis de formuler quelques principes de base pour la mise en œuvre d’un enseignement des stratégies d’apprentissage. Ainsi, est-il recommandable d(e) (Oxford, 1994 ; Harris, 2002 ; Dąbrowska, 2011b) :

 intégrer un entraînement stratégique à un cours de langue pendant une période plus longue (éviter des interventions ponctuelles) ;
 se focaliser sur une compétence / habileté à la fois (p. ex. mémorisation du vocabulaire, compréhension orale) ;
 présenter des combinaisons de stratégies relatives à une tâche (p. ex. pour une tâche d’expression orale en LE - prendre des risques, paraphraser, contrôler, s’autoévaluer) ;
 faire réfléchir sur la tâche qui vient d’être réalisée ;
 fournir de nombreux exemples d’utilisation des stratégies ainsi qu’assurer beaucoup d’occasions pour les pratiquer ;
 encourager à se fixer des objectifs d’apprentissage, à réfléchir sur l’apprentissage (p. ex. sous la forme d’un journal de bord) ;
 développer l’autoévaluation ;
 favoriser le travail en groupes ou en binômes ;
 prendre en compte les besoins et les possibilités des élèves (p. ex. en fonction de leur âge) ;
 se concentrer sur le processus et non seulement sur le produit, travailler les stratégies métacognitives.

Il convient de remarquer que toutes ces recommandations ne se veulent aucunement contraignantes - il s’agit toujours d’adapter la démarche à suivre à la spécificité du contexte. Dans la suite du présent article nous présenterons deux différents types de cours d’entraînement aux stratégies d’apprentissage mis en œuvre en contexte universitaire.

2. Entraînement stratégique en philologie romane à l’Université de Varsovie

2.1. Contexte

A partir de 2010, l’Institut d’Etudes romanes de l’Université de Varsovie admet des candidats sans connaissance préalable du français. Ceux-ci constituent environs 50 % de tous les candidats admis, les autres ayant passé leur examen de bac de FLE. Puisque les débutants sont censés atteindre un niveau B2 en français en 3 ans (à la fin des études du 1er cycle), le programme d’études prévoit un nombre considérable d’heures de cours de français pratique (Tableau 1).

Tableau 1 – Nombre d’heures de cours de français pratique lors des études de licence à l’Institut d’Etudes romanes de Varsovie - étudiants débutants

Les cours de français pratique se divisent en modules : Grammaire, Compétences intégrées, Expression orale et écrite, Phonétique pratique et - uniquement en première année, au 2e semestre - Entraînement stratégique (désormais ES). Le cours d’ES a lieu au 2e semestre de la 1re année, tous les 15 jours, chaque séance durant 2 heures, ce qui donne au total 7 séances dans le semestre.

2.2. Groupe cible

Le public auquel s’adressaient les cours d’ES analysés ici était constitué des étudiants débutants en FLE durant la première année de leurs études en philologie romane de l’Université de Varsovie à partir de 2011/12 jusqu’à 2016/17 (6 années consécutives). Force est de constater qu’il s’agissait là des jeunes adultes, expérimentés dans l’apprentissage des LE, ayant tous appris auparavant l’anglais et une autre langue étrangère (autre que le français). Il convient de préciser que notre public se composait de « bons apprenants », affichant de très bons résultats au bac. Dans ce cas-là, notre objectif n’était donc pas d’aider des apprenants faibles à apprendre à apprendre, mais plutôt de rendre nos étudiants plus conscients de leur manière d’apprendre, de leur permettre d’élargir l’éventail de stratégies utilisées en vue de favoriser et de renforcer les apprentissages intensifs du FLE. C’est pourquoi nous avons misé sur le développement de la métacognition dans l’enseignement proposé.
Il est aussi à noter que sur la période de 6 ans, le contenu ainsi que la mise en œuvre méthodologique du cours d’ES ont fait l’objet de modifications, compte tenu des réactions du public, exprimant une satisfaction modérée.

2.3. Caractéristiques et évaluation de la modalité n° 1 du cours d’ES (2011/12 - 2013/14)
Une première version du cours d’ES en philologie romane de l’Université de Varsovie avait pour objectif de faire prendre conscience des stratégies d’apprentissage utilisées et d’élargir l’éventail de ces stratégies. Pendant les travaux pratiques, les étudiants s’appliquaient à utiliser des stratégies concrètes lors de la réalisation de tâches langagières, tout en étant obligés de tenir, en parallèle un journal de bord. Les langues utilisées pendant le cours étaient le polonais et le français (ce dernier pour l’exécution des tâches seulement). Le cursus de l’ES en question est présenté dans le tableau ci-dessous (Tableau 2).

Tableau 2- Le cursus de la modalité n° 1 du cours d’ES

Les résultats et le feedback de la part des étudiants pour la modalité n° 1 du cours d’ES
Pour évaluer cette modalité du cours d’ES nous avons eu recours à de multiples sources d’information, à savoir : témoignages des 2 enseignantes assurant ce cours, enquêtes d’évaluation de fin de semestre remplies par les étudiants, autoévaluations faites par les étudiants dans leurs journaux de bord et témoignages informels des étudiants.
Parmi les retombées positives de l’enseignement des stratégies d’apprentissage nous avons pu constater une prise de conscience métacognitive. En effet, dans les journaux de bord, les étudiants verbalisent les difficultés qu’ils ont éprouvées lors de la réalisation des activités liées à une compétence donnée, ils identifient également et apprennent à nommer les stratégies qu’ils utilisent et qui se sont avérées efficaces, ils notent enfin ce qu’ils ont appris sur eux-mêmes et leurs préférences liées à l’apprentissage grâce aux tests (p. ex. SILL, Isalem-96, questionnaires sur les stratégies d’apprentissage de différentes compétences). À titre d’exemple, voici deux témoignages puisés dans les journaux de bord (notre traduction) :

Voilà ce qui me pose problème quand je rédige un texte en français : l’emploi des prépositions ; les accents ; je ne cherche pas à rassembler le vocabulaire relatif au sujet avant de me mettre à écrire ; je ne pratique jamais la relecture du texte en vue de le corriger. (J1/2013)
Pour apprendre plus efficacement je devrais apprendre à mieux gérer mon temps. Je devrais éviter d’apprendre « au dernier moment », juste avant un contrôle. (J10/2012)

Ensuite, dans les enquêtes d’évaluation de fin de semestre, les étudiants apprécient hautement l’engagement de l’enseignante, sa façon d’expliquer les contenus des cours, mais l’appréciation globale du niveau de satisfaction de ce cours varie d’une année sur l’autre, ce qui peut s’expliquer par les différences individuelles au niveau de la perception de son utilité (cf. Tableau 3).

Tableau 3 - Les résultats de l’évaluation par enquête de fin de semestre pour la modalité n° 1 du cours d’ES

Il est toutefois difficile de mesurer l’impact de ce cours sur les résultats des étudiants à l’examen final de français pratique en fin de première année, vu le nombre d’autres variables liées aux qualités d’autres modules de français pratique.
Nous avons aussi constaté des points faibles et avons tiré des enseignements de l’expérience de la modalité n° 1 du cours d’ES. Ainsi, interrogés par les enseignantes sur leur opinion concernant le cours, les étudiants ont déclaré ne pas avoir vraiment eu besoin de ce cours, tous étant déjà de bons apprenants en langues. En plus, les étudiants n’ont pas aimé la tenue du journal de bord en la trouvant trop encombrante. Compte tenu de ces observations, au bout de trois ans, nous avons décidé de modifier le programme et le déroulement du cours d’ES en vue de le rendre plus universel et plus académique à la fois.

2.4. Caractéristiques et évaluation de la modalité n° 2 du cours d’ES (2013/14 - 2016/17)
La version renouvelée du cours d’ES a pris la forme d’un cours magistral de psychologie d’apprentissage en polonais, véhiculant des savoirs métacognitifs et proposant des exercices pour assurer le passage de la théorie à la pratique. Cette fois-ci, nous nous sommes fixé pour objectif de faire acquérir des savoirs théoriques sur le processus d’apprentissage, de développer des savoir-faire liés à l’usage des stratégies d’apprentissage, de développer la métacognition (réflexion sur son processus d’apprentissage, autoévaluation) ainsi que de faire comprendre la nécessité de s’autoformer tout au long de sa vie. Les principales thématiques abordées pendant ce cours sont listées dans le tableau qui suit (Tableau 4).

Tableau 4- Le cursus de la modalité n° 2 du cours d’ES 

Précisons que les cours magistraux étaient diversifiés grâce aux présentations PTT, vidéos sur Youtube, exemples de cas. En même temps, la formule permettait l’interaction lors des séquences d’exercices pratiques.

Les résultats et le feedback de la part des étudiants pour la modalité n° 2 du cours d’ES
Tout comme pour la modalité n° 1, l’évaluation de la modalité n° 2 s’appuie entre autres sur les enquêtes d’évaluation de fin de semestre. En plus de cela, nous nous sommes référées à une étude par enquête réalisée en 2016 (Kucharczyk, 2017) ainsi qu’à des textes d’autoévaluation rédigés par les étudiants en fin de semestre en 2017 (« Qu’avez-vous appris sur vous mêmes en tant qu’apprenant ? Quelles conceptions / techniques présentées pendant les cours pourraient-elles vous permettre d’apprendre mieux ? »).
Quant aux retombées positives de la 2e modalité du cours d’ES, les résultats de l’enquête réalisée par Kucharczyk en 2016 ainsi que l’analyse des textes d’autoévaluation datant de 2017 montrent clairement que les étudiants apprécient tout particulièrement d’avoir appris :
 de nouvelles mnémotechniques ;
 des techniques de relaxation pour gérer le stress ;
 des stratégies pour se mobiliser et se motiver à apprendre ;
 des stratégies pour planifier et organiser son apprentissage (fixer des objectifs,
 réviser systématiquement, gérer son temps, aménager des pauses).
Ce qui plus est, les étudiants apprécient le fait que les compétences développées lors du cours d’ES ne leur ont pas seulement servi pour apprendre le FLE mais aussi pour l’apprentissage d’autres matières étudiées.
Ensuite, les témoignages des étudiants laissent apparaître une prise de conscience métacognitive. En voici quelques exemples tirés des textes autoévaluatifs de 2017 (notre traduction) :

Grâce à ce cours j’ai commencé à apprendre de manière plus consciente. J’ai compris comment je fais pour apprendre et lesquelles de mes stratégies sont les plus efficaces. J’ai appris que je suis analytique. (E18)
Je vais apprendre plus consciemment, en choisissant des mnémotechniques adaptées à mon style visuel. (E19)
Ce cours m’a donné l’occasion de mieux me connaître moi-même et de m’autodévelopper. (E7)
J’ai appris que ma manière d’apprendre n’était pas bonne. (E11)

Les enquêtes d’évaluation de fin de semestre valorisent le travail de l’enseignante mais l’appréciation globale du niveau de satisfaction de ce cours n’est que moyenne (Tableau 5).

Tableau 5 - Les résultats de l’évaluation par enquête de fin de semestre pour la modalité n° 2 du cours d’ES

Les points faibles et les enseignements de la 2e modalité du cours d’ES
Ce qui frappe, c’est que les avis des étudiants sur l’utilité du cours d’ES sont partagés (Kucharczyk 2017, p. 52) : 13 personnes sur 32 étaient pour le maintien de ce cours au programme, 10 personnes - contre et 9 n’avaient pas d’avis sur ce sujet.
Certains étudiants ayant répondu à l’enquête de 2016 ont jugé les contenus de quelques cours trop évidents voire ratés :

Les mécanismes de la mémoire - c’était une chose évidente pour moi (S08)
Le cours d’introduction (Comment faire pour apprendre ?) était bien intéressant mais à l’étape où nous en sommes avec notre éducation (études) il est déjà trop tard pour changer de techniques et d’habitudes. Ce cours aurait dû se faire au collège. (S11)

Dans leurs textes d’autoévaluation, 2 sur 22 étudiants ont trouvé qu’il était peu utile ou non nécessaire de devenir plus conscient de son apprentissage puisque de toute façon les résultats qu’ils obtenaient étaient satisfaisants :

En vérité j’ai juste appris que les méthodes d’apprentissage dont je me sers ont des appelations scientifiques dans le domaine de la psychologie (E13)]

3. Bilan et conclusion

L’analyse des deux modalités de mise en œuvre d’un cours d’entraînement stratégique en contexte universitaire (philologie romane, étudiants débutants en FLE) que nous avons présentée ci-dessus nous amène à un bilan comparatif. C‘est ce bilan qui nous permettra de formuler des conclusions à notre étude. Pour plus de clarté, nous avons choisi de présenter la comparaison des deux cours sous la forme d’un tableau que nous commentons par la suite (Tableau. 6).

Tableau 6 - Bilan comparatif des deux modalités de mise en œuvre d’un cours d’entraînement stratégique pour les étudiants débutants en FLE en philologie romane, Université de Varsovie

Notons d’abord que les deux modalités de mise en œuvre du cours d’ES présentées ci-dessus semblent avoir pour avantage majeur d’éveiller la conscience métacognitive chez les étudiants. Dans le premier cas, il s’agit de la conscience des stratégies d’apprentissage des LE (cognitives, métacognitives, socio-affectives) liées à des compétences langagières précises. Dans le second - la conscience métacognitive se développe surtout à un niveau plus général, ce qui contribue à une meilleure compréhension de ce processus psychologique, une prise de conscience de ses propres préférences et de sa motivation ou encore une gestion plus efficace du stress. Cette visée universelle peut être illustrée par l’exemple des mnémotechniques que les étudiants ont cherché à appliquer à l’apprentissage de toutes les matières étudiées.
Quant aux outils de réflexion métacognitive utilisés, force est de constater que le journal de bord peut certes développer la conscience métacognitive, mais que cette forme - aux yeux de nos étudiants - demandait trop de temps et trop d’effort- on retrouve d’ailleurs le même constat dans une recherche relatée dans Harris (2002, p. 142). En conséquence, les commentaires posés dans le journal étaient pour la plupart très courts et ne dépassaient pas le niveau de réflexivité du type descriptif (Nerlicki, 2009, p. 153). La rédaction de l’autoévaluation finale avait un caractère sommatif. Ce type de réflexion - bilan permet une prise de conscience métacognitive globale, concernant plusieurs aspects que l’apprenant a trouvé lui-même importants pour son développement. Par contre, il n’est pas possible de suivre la progression de façon évolutive, comme c’est le cas avec le journal de bord.
Il est difficile de dire laquelle de ces modalités convient mieux au contexte de la philologie romane en question, car dans les deux cas les résultats des enquêtes d’évaluation de fin de semestre sont semblables. Le premier type de cours peut favoriser des transferts de compétences et de stratégies développées auparavant, à l’occasion des apprentissages d’autres langues étrangères (notamment de l’anglais). En revanche, la 2e modalité permet de développer un savoir-apprendre plus universel, constituant une bonne base pour l’élaboration et la pratique des stratégies relatives aux compétences langagières qui, de toute façon, peut se faire dans le cadre des autres modules de français pratique.
Une dernière observation concerne l’attitude des étudiants envers le cours d’ES. On le sait très bien - c’est difficile de contenter tout le monde, il ne devrait donc pas étonner que pour certains étudiants ce cours était superflu, tandis que pour d’autres il s’est avéré intéressant et utile. Ce fait semble témoigner de l’impact des différences individuelles (connaissances acquises, fonctionnement cognitif, motivation...) sur les attentes envers un cours d’ES et son évaluation finale mais selon nous ne devrait pas remettre en question le bien fondé d’un tel cours pour les étudiants débutants en FLE.
Pour conclure, il nous semble qu’autant il est essentiel de chercher à identifier les besoins du public donné et d’y adapter une version du cours d’entraînement stratégique, autant il paraît fondamental de convaincre les étudiants de l’utilité de l’effort métacognitif.


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