Français en contexte universitaire : une apologie du bon français pour se permettre « l’à peu près »
Isabelle DOTAN, Université Bar-Ilan, Israël
Résumé
Depuis la mise en place du CECRL et l’instauration du diplôme d’études en langue française, on se rend compte que les attentes de savoir et de compétences de la part des autorités éducatives en matière de FLE sont moins élevées et plus superficielles qu’auparavant. Selon les nouvelles méthodes d’apprentissage, le français doit avant tout être un outil de communication quotidien et souvent, peu importe la façon de se faire comprendre ou de comprendre ; c’est une communication de « l’à-peu-près ». Cet état de choses devient problématique dans les pays où le français est moins répandu qu’en Europe de l’ouest et encore plus quand il s’agit de français en contexte universitaire. Dans ces pays, le résultat de ces réformes a des répercussions défavorables sur les performances de français des apprenants. Cependant, tout n’est pas à blâmer mais cette nouvelle situation exige une réflexion et une révision des objectifs et des méthodes d’apprentissage.
Abstract
FRENCH IN AN ACADEMIC ENVIRONMENT – AN APOLOGIA FOR GOOD STANDARD FRENCH IN ORDER TO TOLERATE NON-STANDARD INFORMAL FRENCH : “L’À PEU PRÈS”
Since the implementation of the CEFRL and the creation of the now popular DELF (Diplôme d’études en langue française), one realizes that the standard of knowledge and skills expected by the educational authorities for the basic levels is lower and more superficial than before. According to the new learning methods focusing on the aims of the CEFRL, French must be, above all, an everyday communicative tool and it often doesn’t matter how one understands or makes oneself understood as long as one understands and is understood. This is a non-standard and substandard type of discourse that could be defined as “à peu près”. This situation becomes especially problematic in countries where French is less widespread than in Western Europe and even more when it comes to learning French in an academic environment. In these countries, the result of these reforms seems to be having a negative impact on the linguistic performance of French learners and the new state of affairs requires consideration and a revision of both the objectives and the teaching methods.
Dans un monde globalisé où la tendance est à la simplification et à la banalisation des langues, où les nouvelles technologies se forcent dans le quotidien personnel autant que professionnel, les réformes des politiques éducatives en matière de langue viennent non seulement remettre en cause les méthodes d’enseignement classiques mais aussi offrir de nouvelles ressources profitables qui ne sont plus à remettre en question (Dotan, 2015). Pourtant, en matière de français langue étrangère et surtout de français en contexte universitaire, la situation actuelle pose certains problèmes. Depuis la mise en place du Cadre Européen Commun de Références pour les langues (CECRL) en 2001, l’instauration des diplômes d’études de langue française en 2005 ainsi que des épreuves DELF et TCF prisées par de nombreuses institutions et apprenants, on se rend compte que les attentes de savoir et de compétences de la part des autorités éducatives sont – du moins pour certains niveaux – moins élevées et plus superficielles qu’auparavant ; en effet, le français du DELF doit être avant tout un outil de communication principalement quotidien visant la nouvelle définition d’ « approche actionnelle, de gestion délocalisée, pertinence et validité […] avec une attention toute particulière portée aux exercices relevant de l’interaction et de la médiation. » (Riba, Lepage, Chevallier-Wixler, 2004 : 29) ; les professeurs ayant suivi une formation d’examinateur DELF ont certainement été étonnés de constater que les critères de passage de ces épreuves ne sont pas la qualité du français mais la capacité de l’étudiant à se faire comprendre et à comprendre globalement ce qui est dit ou écrit et peu importe la façon ; c’est une communication de « l’à-peu-près » et c’est de cette façon que les niveaux de base du TCF et du DELF sont conçus. Voici par exemple, un extrait d’expression écrite niveau A2 :
Salut Fabien,
Ca fait longtems que je ta pas vu. La semaine passet je etudiet boucop pour ma period de’s examain. Maintenant je prand an examain sur un sit internet on Frances pour le resherch de ma mer. ce si et pas ditout fasil pour moi comme je pratic pas. di A la fin d’Octobre Maya et moi en ponse d’iales en Espane pour fair une balades et peotetre d’lescalde. vudrais tu venir avec nout ? [1]
Précisons que l’état des choses présenté ci-dessus n’inclut pas le cas du DALF qui exige non seulement des connaissances approfondies de la langue mais aussi une perspicacité intellectuelle qui ne relève pas strictement de la connaissance de la langue : « Le candidat de C2 est capable de réaliser des tâches académiques ou de niveau avancé » (Perrot, 2016). Ceux qui connaissent les épreuves du DALF seront d’accord pour dire que tous les francophones ayant reçu une éducation scolaire en langue française ne seront pas toujours capables de passer un DALF de niveau C1 ou C2. La preuve en est que même les professeurs de français suivant une formation d’examinateurs du DELF-DALF ne reçoivent pas toujours facilement leur habilitation pour ces niveaux [2].
Les premières répercussions de la mise en place de ces épreuves internationales sont le changement radical des méthodes d’apprentissage qui s’imposent de plus en plus sur le marché.
Dans un contexte ouest-européen et surtout dans les pays de l’UE où les étudiants sont facilement et relativement bien exposés à la langue française de par leur proximité géolinguistique et de par la politique d’uniformité du Conseil de l’Europe [3], ces réformes et nouvelles méthodes ont leurs raisons d’être. Cependant, dans les pays où le français est une langue moins répandue la situation est différente. Dans de nombreux pays représentés au congrès METHODAL à Chypre en septembre 2016 [4], il semblerait que cette nouvelle politique linguistique européenne ait des répercussions défavorables sur l’enseignement du français et nous ajoutons que cela est d’autant plus pertinent quand il s’agit d’un contexte universitaire (Fries, 2009).
Nous désirons considérer les points suivants et suggérer des prises de positions : redéfinir les diverses sortes de cours de français en contexte universitaire existant de nos jours, soulever les problématiques contextuelles et didactiques de l’intégration du CECRL dans certains contextes universitaires dont celui d’Israël et éventuellement pertinentes dans d’autres pays, mener une réflexion quant à l’évaluation de la place à octroyer aux « cours-mère » [5], aux cours à stratégie actionnelle ciblés DELF, aux nouvelles méthodes, aux TICE et à l’intégration des épreuves DELF/DALF dans le parcours des apprenants. Enfin, nous ferons l’ébauche d’un programme-pilote d’apprentissage de langue française dans un contexte universitaire spécifique.
1. REDÉFINIR LES COURS DE FRANÇAIS EN CONTEXTE UNIVERSITAIRE
Dans le domaine de l’enseignement du français dans les institutions supérieures, il est courant de parler de FOS ou de FOU, le FOS étant un français spécialisé destiné à des professions spécifiques : « français des sciences, de la médecine, du droit, des affaires, du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration ou encore des guides-interprètes » (Focus, Réf. I, 3) et le FOU :
Avec l’augmentation des effectifs d’étudiants allophones dans les universités françaises et francophones, un nouveau concept a émergé qui est le français sur objectifs universitaires, le FOU. Ce public est assez pluriel, d’où une diversité accrue des spécialités choisies, des niveaux d’accès et des niveaux de langues. Mais tous ces étudiants partagent un même objectif : réussir leur intégration à l’université, qui devient ainsi la mission principale du FOU » (Focus, Réf. II, 1).
Nous désirons parler ici d’une troisième catégorie qui nous concerne et qui est aujourd’hui négligée : dans toutes les universités du monde, certaines langues étrangères sont enseignées dans le but de servir d’outil de recherche aux étudiants dans diverses disciplines. C’est souvent pour cette raison que les universités ont généralement un département d’études de langues étrangères où les programmes diffèrent de ceux du FOS et du FOU car ils ne requièrent généralement qu’une connaissance passive de la langue. Ce cas à part et pourtant bien vivant, pourrait répondre à la dénomination de Français pour la recherche universitaire et correspond plus ou moins à ce qui est souvent considéré comme l’étude traditionnelle de la langue. Il est vrai que de nos jours, cette « vieille méthode » semble dépassée voire désuète mais elle n’a jamais perdu son utilité. A nos yeux, elle reste un pilier de base pouvant servir de tremplin aux stratégies langagières visant l’approche actionnelle ; nous la désignerons ici « cours-mère ».
Considérons le contexte spécifique qui est le nôtre en Israël et précisons que les départements universitaires d’Histoire générale, Histoire du Moyen-Orient, Archéologie, Histoire de l’art, Architecture, Littérature Monde, Traductologie, Langues étrangères, Communication et Relations Internationales et autres exigent de leurs étudiants de licence, maîtrise ou doctorat – et en plus de l’anglais niveau B2 qui est déjà une condition d’acceptation dans les universités – d’acquérir une langue étrangère définie comme « langue de recherche » liée à leur discipline ; il s’agit donc principalement de l’acquisition de la compréhension de l’écrit. Il va sans dire que le français occupe toujours une place de taille parmi ces langues. Or, comme diverses disciplines sont concernées, il est pratiquement impossible de préparer chaque groupe d’étudiants à un FOS spécifique à son domaine, d’autant plus que le nombre d’étudiants par discipline ne justifierait pas la création de telles classes. Dans notre cas, et principalement pour des raisons budgétaires, ils sont donc tous rassemblés dans une ou deux classes de français à grands effectifs. C’est dans ce cadre que nous les formons à la compréhension de textes en leur octroyant une connaissance approfondie de la langue et en prenant en compte que le lexique spécifique à leurs disciplines respectives – et ne nécessitant pas un apprentissage mais plutôt un savoir, est facilement accessible dans les dictionnaires spécialisés disponibles de nos jours. Ainsi, dans la plupart des syllabus des cours de français dispensés dans les départements de langues étrangères ou département d’études françaises des universités israéliennes, on peut trouver la mention suivante :
Selon les exigences académiques de l’université ainsi que du département de français, les cours de langue française de niveaux débutants et avancés ont pour objectif principal la compréhension de textes, à savoir l’acquisition d’une maîtrise de lecture de textes en français. Cette maîtrise est acquise à l’aide d’un apprentissage approfondi de la grammaire, de la syntaxe du français, du vocabulaire et de la culture française. Il convient de noter qu’il ne s’agit pas d’un cours d’expression orale ou écrite. (Dotan, Zarrouk, Zerbib, 2012).
En trois ans et à raison de 4 heures hebdomadaires, les cours-mère octroient aux apprenants un niveau de compréhension écrite B2 voire même C2 pour les plus zélés.
2. PROBLÉMATIQUES CONTEXTUELLES ET DIDACTIQUES DE L’INTÉGRATION DU CECRL DANS LE CONTEXTE UNIVERSITAIRE SUSMENTIONNÉ.
2.1. La problématique contextuelle
Suite à l’instauration du CECRL et en conséquence de la nouvelle politique des institutions pourvoyant des cours de français en Israël et suite à la prise de conscience de l’importance de ce nouveau cadre par les instances éducatives israéliennes, le besoin de cours à approche actionnelle s’est renforcé et s’est fait ressentir dans les institutions universitaires. La première problématique de l’adoption du CECRL était tout d’abord académique et budgétaire : comment intégrer ce genre de cours considéré comme non-universitaire au programme ? Les cours de compréhension orale et d’expression orale et écrite devenaient impératifs mais mettait à mal le français en contexte universitaire qui voyait l’appauvrissement de son programme : cela commençait à ressembler à tous les cours de FLE dispensés dans bon nombre d’institutions commerciales ou autres. Le français en contexte universitaire perdrait non seulement son prestige mais aussi sa raison d’être. Si au départ, le programme d’apprentissage permettait aux étudiants d’acquérir en deux ou trois ans, les outils nécessaires à une compréhension de textes de niveau B2 à C2 à raison de quatre heures hebdomadaires avec des effectifs allant de vingt à cinquante étudiants par classe, cette conjoncture ne laisse pas de place à une pratique de la langue vivante. D’un point de vue budgétaire, si les cours-mère permettaient des classes à grands effectifs, cela n’est pas le cas pour les cours à approche actionnelle qui, pour être efficaces, requièrent des effectifs restreints que la conjoncture ne nous permet pas aisément.
2.2. La problématique didactique relative au CECRL
Premièrement, d’un point de vue didactique, il faut prendre en compte que notre public estudiantin est hétérogène et composé d’une part, d’étudiants hébréophones, arabophones, russophones et même amharicophones ayant chacun des alphabets différents et d’autre part, des étudiants francophones n’ayant jamais appris le français. Ces derniers forment un cas bien particulier : de nos jours en Israël, il existe un bon nombre d’étudiants francophones nés de parent(s) (1 ou 2) francophones mais n’ayant jamais appris la langue, ne sachant que « parler à peu près » et restant très limités dans leur vocabulaire. Ils lisent difficilement et « peuvent écrire avec une relative exactitude phonétique mais pas forcément orthographique » [6]. Quel que soit le département d’études qu’ils aient choisi pour leurs études supérieures, ils optent souvent pour ces cours en option dans le but d’enfin acquérir leur langue maternelle de façon exhaustive. On les nommera ici « faux-francophones » [7]. Deuxièmement, que le français n’est plus une langue répandue (Ben-Rafael & Ben-Rafael, 2013) et les étudiants ne sont pratiquement, sinon pas du tout exposés au français autre part que dans les cours. Troisièmement, que les nouvelles méthodes ciblées sur le CECRL sont construites sur un lexique spécifiquement actionnel se basant sur la vie quotidienne et donc non-appropriés aux buts exposés ci-dessus. Finalement, que ces méthodes tolèrent un certain laxisme quant à la qualité et à la maîtrise de la langue – ce que nous appelons une langue de « l’à peu près ». À nos yeux, le français en contexte universitaire ne peut se permettre cet « à peu près », un français qui manque de rigueur et de précision. Nous ne sommes pas un cas isolé et pour appuyer notre propos, nous ajouterons la citation suivante relative au cas italien :
La qualité de l’enseignement universitaire est garantie par son lien étroit avec la recherche. Pour notre domaine, cela implique aussi bien des recherches en linguistique qu’en didactique des langues. Une inquiétude qui a émergé de certains questionnaires était que l’introduction des certifications pouvait faire courir le risque de rendre l’enseignement de la langue trop utilitaire, trop fonctionnel, coupé d’une réflexion sur la langue (à tous ses niveaux), sans compter que le fonctionnel peut être pris en charge par des organismes extérieurs, ce qui conduira à poser la question de l’opportunité d’introduire les certifications si des postes d’enseignants-chercheurs ou de lecteurs sont en jeu, car l’avenir de la discipline et de la recherche dépend du nombre de personnes qui opèrent dans l’université. (Antequil & Jamet, 2010)
3. RÉFLEXIONS
La conjoncture actuelle ne laisse guère de place à l’insertion d’un programme de plus grande envergure pour les cours de français en contexte universitaire. Un dilemme se pose : Ne pas innover ? Rester dans notre tour d’ivoire ? Innover et perdre non seulement un apprentissage approfondi de la langue passive qui nous distingue des autres institutions mais aussi un prestige académique ? Il faut bien sûr innover. Alors, quelle place allons-nous donner aux cours classiques, aux cours à approche actionnelle ciblant le CECRL, aux nouvelles méthodes et technologies ? Faut-il à tout prix adopter les épreuves DELF-DALF en milieu universitaire ?
3.1. Les cours à objectifs académiques
Le cursus des cours-mère ciblés sur la connaissance d’un français ayant pour but d’acheminer les apprenants à une compréhension la plus exhaustive et la plus rapide possible de textes ne peut être délaissée. Nous garderons donc la priorité de ces cours qui, dans le programme servent de pilier de base ; ils auront trois niveaux qui s’étendront sur trois ans. Ils répondent à un besoin pertinent aussi bien pour les étudiants de divers départements mais aussi pour ceux des départements d’études françaises soient-ils hébréophones ou faux-francophones. De plus, ils sont adaptables aux classes à grands effectifs auxquelles nous sommes contraints. Néanmoins, aux vus des changements et des innovations que nous venons de présenter, on ne peut pas en rester là. Dans le contexte géolinguistique d’Israël – mais pas uniquement, n’appartenant pas à l’Europe tout en en étant proche, dépendants historiquement, politiquement et culturellement de ce continent, ce serait une erreur que d’ignorer l’importance des cours à approche actionnelle : « on n’apprend plus une langue pour développer un savoir sur la langue, mais pour agir avec cette langue » (Richer, 2008, 15).
3.2. Les cours à objectifs CECRL
Les nombreuses recherches poursuivies dans le domaine des sciences du langage démontrent que l’appréhension active ou passive d’une langue étrangère requiert deux parties distinctes du cerveau [8] (Blanco-Elorrieta & Pylkkänen, 2016) et cela va de pair avec le fait que les deux formes d’apprentissage sont radicalement distinctes (de Grève & van Passel, 1968) et que le savoir passif (ou implicite) est naturellement acquis alors que le savoir actif (ou explicite) est le résultat d’un apprentissage structuré (Ellis et all, 2009 : 1). Sans nous étendre sur ces recherches, prenons l’exemple pratique et fréquent de chercheurs ou de traducteurs, souvent éminents, ne parlant pas couramment le francais bien que la matière première de leur travail soit la civilisation, la langue ou la littérature francophone . Tout cela prouve bien que l’apprentissage du français dans une perspective actionnelle requiert des cours plus intensifs exigeant un minimum d’immersion en langue cible. Les conditions de base à l’instauration de cours à objectif CECRLL seraient alors l’ouverture d’un compromis concernant les programmes considérés comme non-universitaires, la création d’un minimum de cours supplémentaires en approche actionnelle obligatoires à tout étudiant des départements d’études françaises ne maîtrisant pas le français, la mise en place d’un apprentissage supplémentaire obligatoire extra-muros pour augmenter l’immersion maximale de français. Donc, en parallèle aux cours-mère et à condition de les suivre, les étudiants ont la possibilité, sinon l’obligation, de suivre un cours de compréhension orale et d’expression orale et écrite à raison de 2 heures hebdomadaires sur trois ans. Afin de pouvoir extraire de ce programme un maximum de résultats avec si peu d’heures de cours, l’expression écrite sera réservée pour le travail à domicile et servira de préparation à l’expression orale qui sera dominante dans le cours en présentiel. En outre, la compréhension orale sera travaillée aussi bien dans les cours qu’à distance, sur une plateforme d’apprentissage. En tout, 6 heures hebdomadaires en présentiel sur deux ans et 4h de cours en 3e année le tout accompagné d’heures supplémentaires à distance.
3.3. Les nouvelles méthodes ciblées DELF-DALF et les TICE
Les nouvelles méthodes intégrales ciblées DELF n’ont pas leur place dans un contexte universitaire (cours-mère). Cependant, cela n’empêche pas d’utiliser des ressources choisies tirées de ces méthodes dans les cours de compréhension orale et d’expression orale et écrite. C’est là qu’on tentera de pratiquer l’approche actionnelle au maximum grâce à des effectifs plus restreints (une quinzaine d’étudiants).
Quant à l’utilisation des TICE (voir Dotan, 2015, Op. cit. : 451), dans les deux formules « cours-mère » et « cours ciblés DELF », nous les utilisons sans modération et font d’ailleurs partie intégrale des cours, des devoirs et de la note finale du cours. La plateforme d’apprentissage Moodle permet aux étudiants de découvrir après chaque leçon, des exercices et activités ludiques spécifiquement relatives à la matière du jour à faire extra-muros. Ceci est un grand atout pour mettre en œuvre un maximum de compréhension orale, production écrite à distance. Donc, une place majeure aux TICE aussi bien dans les cours-mère que dans les cours à approche actionnelle. Grâce à la plateforme d’apprentissage (Dotan, Op. cit., 2015 : 452) et grâce aux exercices d’expression écrite extra-muros, nous estimons que le nombre d’heures d’études du français passe de 6 heures en présentiel à 9-10 heures d’apprentissage intra et extra muros par semaine. Ceci représente un programme solide et exigeant qui devrait mener à d’excellents résultats de qualité.
3.4. Les épreuves DELF-DALF en contexte universitaire
Pour un public jeune en début de parcours académique et professionnel dans un monde global, les avantages du diplôme DELF n’est pas à remettre en question : il a sa place aujourd’hui dans tout CV mais il reste un choix et non une obligation puisqu’il ne peut devenir – du moins pour l’instant, une épreuve académique. C’est éventuellement le DALF qui aurait sa place dans les études supérieures. Avant la mise en place du programme pilote que nous présentons ici, et ceci depuis 2014 nous avons proposé à nos étudiants, dès la première année d’étude du français, de se présenter aux épreuves DELF. En général, ils attendent la troisième année pour viser le plus haut niveau du DELF. Les résultats ont toujours été positifs avec une différence constante entre les résultats de la compréhension et production de l’écrit et la compréhension et production de l’orale.
4. CONCLUSION
Notre propos fait suite à une observation et une réflexion menées sur une durée de trois ans. À partir de la rentrée 2016-2017 et malgré la conjoncture actuelle généralement défavorable à ce genre de programme universitaire, le département de culture française de l’université Bar-Ilan met en place le programme d’études de langue française suivant (Fig.1) :
Figure 1 : programme des cours de langue française en contexte universitaire
Comme nous l’avons souligné dans notre introduction, le DALF qui n’est pas pris en compte dans ce programme a sa place pour les étudiants francophones dans la filière langue et littérature du département de culture française et ils leur sont d’ailleurs proposés. Nous pouvons prétendre et espérer que malgré une conjoncture universitaire peu favorable à l’approche actionnelle – rigidité académique, budgets réduits, classes à grands effectifs – il est aujourd’hui possible de revoir et rénover l’enseignement des langues en contexte universitaire en intégrant une approche actionnelle, les nouvelles technologies ainsi que les épreuves d’évaluation proposées par le CECRL tout en maintenant en priorité un enseignement traditionnel de qualité mettant l’accent sur une connaissance approfondie du français : maitriser un bon français pour se permettre « l’à peu près ».
Notes
[1] Le candidat n’a jamais appris le français et ne le pratique oralement qu’occasionnellement mais régulièrement (En moyenne deux fois par an depuis l’enfance).
[2] « Il y a environ 20 % des stagiaires qui ne sont pas habilités pour les niveaux C1 et C2 ». Échange de mails du 16 septembre 2016 de Samuel Bouak, Chargé de programmes au Département évaluation et certifications du CIEP.
[3] Ceci, depuis la déclaration de Bologne en 1999 : Le Processus de Bologne et un processus de réformes européen visant à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur. […] il est dirigé par les 46 pays qui y participent en coopération avec un nombre d’organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe. Référence : site du conseil de l’Europe récupéré le 12 août 2016 de http://www.coe.int/t/dg4/highereducation/EHEA2010/BolognaPedestrians_fr.asp#P16_305
[4] L’argumentaire du congrès METHODAL (Nicosie, Chypre, Septembre 2016) stipule : « Il avait été observé par de nombreuses personnes impliquées dans l’apprentissage des langues dans les pays du Sud-Est de l’Europe qu’il subsiste de nombreux obstacles à la mise en œuvre des orientations méthodologiques proposées dans les programmes et dans les référentiels, orientations le plus souvent inspirées des résultats de travaux coordonnés par le Conseil de l’Europe ». Ajoutons que les pays représentés au congrès METHODAL 2016 étaient la Belgique, Chypre, la France, l’Italie, le Portugal appartenant à l’EU mais aussi l’Algérie, l’Egypte, les Emirats arabes unis, les Etats-Unis, Israël, le Japon, le Liban, et le Maroc.
[5] Par « cours-mère » nous entendons : cours en présentiel avec des effectifs allant de 25 à 50 étudiants par classe et dont le but est d’octroyer une connaissance passive, rapide et la plus large possible de la grammaire française. La stratégie principale visée est la compréhension de textes et, à moindre envergure un emploi correcte de la langue à l’écrit.
[6] Correspondant à la grille d’évaluation de la production écrite A2 (site du CIEP : http://www.ciep.fr/sites/default/files/migration/delfdalf/documents/DELF_A2_exemple2.pdf Voir également l’extrait d’une épreuve DELF A2 présenté plus haut.
[7] Le français était fort répandu dans un passé pas si lointain aussi bien comme langue de culture que comme langue d’apprentissage : « Si durant les deux dernières décennies du 20e siècle, le français était encore non seulement une langue de culture très prisée des israéliens mais aussi une discipline populaire dans toutes les universités israéliennes, à partir du début du 21e siècle, partout dans le pays, les départements d’Etudes Françaises en tant que telles ont fermé les uns après les autres laissant le département de Culture française de l’université Bar-Ilan un des derniers survivants de cette discipline culturelle prestigieuse des facultés des lettres d’antan. En revanche, les deux premières décennies du 21e siècle ont vu les vagues d’immigrants de France arrivant pour rebattre les cartes du français en Israël : des français se mélangent dans le paysage démographique israélien et apportent avec eux un nouvel intérêt éclectique pour la langue française parmi les israéliens. Ce dernier point ne relève pas directement de notre propos mais il jouera certainement un rôle dans le développement à venir de la langue française en Israël. » (Dotan, I. (2015). L’étude exhaustive d’Eliezer Ben-Rafael et Miriam Ben-Rafael en dit long sur les hauts et les bas du français en Israël (Ben-Rafael & Ben-Rafael, 2013).
[8] « Language-switching in production recruited dorsolateral prefrontal regions bilaterally and, importantly, these regions were similarly recruited by category-switching. Conversely, effects of language-switching in comprehension were observed in the anterior cingulate cortex and were not shared by category-switching. » (Blanco- Elorrieta & Pylkkänen, 2016).
Références bibliographiques
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