Implémentation de la perspective actionnelle dans l’enseignement du FLE à l’Université Libanaise : défis et perspectives
Wassim EL-KHATIB, Université Libanaise, Liban
Résumé
La recherche dont cet article rend compte porte sur l’implémentation de la perspective actionnelle (PA) dans l’enseignement du Français Langue Étrangère (FLE) à l’Université Libanaise (UL), seule université publique au Liban. Plus particulièrement, la recherche vise à savoir si les enseignants de FLE à l’UL appliquent les principes de la PA préconisée et aussi à repérer, le cas échéant, les facteurs qui amènent les enseignants à faire des choix allant à l’encontre de cette perspective.
La méthodologie utilisée consiste à mener des entretiens semi-directifs auprès de vingt enseignants de français dans les différentes facultés de l’UL.
Les résultats révèlent que la PA fait son entrée dans l’enseignement du FLE à l’UL, mais que les principes de cette perspective ne sont pas tous appliqués. Les résultats montrent par ailleurs qu’il existe des difficultés de taille relevant du contexte propre à l’UL et pouvant entraver l’implémentation de la nouvelle perspective.
Abstract
The research on which this article reports concerns the implementation of the Action-Oriented Approach (AOA) in teaching of French as a Foreign Language (FFL) at the Lebanese University (LU), only public university in Lebanon. In particular, research is whether teachers of FFL at LU apply the principles of the recommended AOA and to identify, if any, the factors that lead teachers to make choices up against this approach.
The methodology is to conduct semi-structured interviews with twenty french teachers in different faculties of the LU.
The results reveal that the AOA entered in teaching FFL to LU, but that the principles of this approach are not all implemented. The results also show that there are significant challenges within the specific context of the LU may hinder the implementation of the new approach.
1. INTRODUCTION
Le Cadre Européen Commun de Référence (désormais CECR ou Cadre) est devenu dans le domaine des langues étrangères « une référence quasiment incontournable, dont l’influence ne se limite pas à l’Europe » (Coste, 2009). En effet, des « pans » du CECR telles que la perspective dite « actionnelle », la centration sur les tâches, les échelles de référence, l’autonomie, se voient développer, bien au-delà de l’Europe (Castellotti, V., & Nishiyama, 2011).
Au Liban, le Cadre a aussi trouvé sa place. En 2009, la Ministre de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur affirmait lors de la tenue d’un séminaire, au Palais de l’UNESCO à Beyrouth, et intitulé à juste titre : « Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues – CECR – en contextes scolaires plurilingues : le cas du Liban », que dans le cadre de la coopération linguistique et éducative entre le Ministère de l’Éducation et l’Ambassade de France, suite à un accord signé en 2007, un test linguistique de français élaboré selon les orientations du CECR a été passé à 2500 enseignants cadrés des écoles publiques. Des formations linguistiques, les regroupant selon les niveaux du CECR, ont été dispensées par la Mission Culturelle Française afin de perfectionner leurs capacités langagières.
Le Cadre est également un outil de base dans le domaine de l’apprentissage des langues vivantes dans l’enseignement supérieur, notamment à « l’Université Libanaise » (désormais UL), seule université publique au Liban qui accueille plus de 37% de la population estudiantine (Jammal, 2015). En effet, l’UL adhère aux principes du CECR, et le « Bureau de Langues », organe qui assure la fonction de pilotage de la politique linguistique de l’UL et qui travaille en étroite collaboration avec l’Institut Français. Ce fut le cas surtout d’un projet sur 5 ans qui a marqué un tournant décisif dans le cadre de l’enseignement des langues étrangères, en particulier le français à l’UL. Ce projet intitulé : « Appui à la rénovation de l’enseignement du français et en français à l’Université Libanaise (UL) » et bénéficiant « d’une prise en charge d’un montant de 3,250 millions d’euros sur le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) » [1] » a permis tout en s’appuyant sur les principes et les outils du Cadre de rénover l’enseignement du français et en français à l’UL. C’est ainsi que des programmes de Français Sur Objectifs Spécifiques (FOS) ont été élaborés dans les différentes Facultés, que le système d’évaluation a été repensé pour être en adéquation avec les orientations du CECR et que la perspective actionnelle préconisée a été adoptée. Toujours est-il que le projet FSP a permis d’assurer la formation continue de « 265 professeurs de français […] pour un volume horaire moyen de 129 h par bénéficiaire » au Liban et en France (Hafez, 2011).
Malgré cette forte mobilisation, les constats des étudiants, des responsables de stages ainsi que les résultats de certaines recherches conduites à la Faculté de Pédagogie laissent croire que les principes du Cadre, notamment ceux relatifs à la perspective actionnelle ne sont pas respectés.
Au vu de ces constats, la recherche tente de répondre à deux questions de base :
– Les enseignants de FLE à l’UL appliquent-ils aujourd’hui les principes de la perspective actionnelle préconisée ?
– Si tel n’est pas le cas, quels seraient les facteurs qui amèneraient les enseignants à faire des choix allant à l’encontre de cette perspective ?
2. CADRE THÉORIQUE
Il convient donc de prime abord, d’examiner la littérature existante sur la perspective actionnelle pour mieux appréhender cette notion centrale du Cadre et en dégager les caractéristiques.
2.1. Qu’est-ce que la perspective actionnelle ?
La perspective actionnelle (désormais PA) est considérée comme une des grandes nouveautés du CECR. Beacco (2010), dans un article dédié à Synergie Brésil, précise que la diffusion du Cadre a conduit à parler de tournant, nouvelle perspective ou renouveau, qui se cristalliserait autour de la PA. Mais le CECR, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ne consacre à la description de cette perspective qu’un paragraphe tellement il est cité qu’il en est devenu célèbre :
La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches… (CECR, p.15).
Cette description qui mérite d’être clarifiée contient tout de même, un « chapelet terminologique » (Bourguignon, 2006) permettant « de comprendre dans quelle mesure la PA dépasse l’approche communicative tout en intégrant les avancées que celle-ci a apportées à la didactique des langues », Piccardo (2014 : 11). Et il s’agit là d’une des problématiques centrales soulevées au sujet de la PA dans la littérature. Si tout le monde s’accorde à considérer que la PA intègre les principes de l’approche communicative, les avis sont partagés sur la question de savoir s’il s’agit d’une rupture ou d’une continuité, d’une révolution ou d’une évolution.
2.2. Perspective actionnelle vs approche communicative ?
Beacco (op. cit. : 97), trouve qu’il ne s’agit pas du tout d’une nouvelle perspective et que l’essentiel du Cadre est d’offrir « une autre perspective à l’enseignement : celle des compétences et que les compétences formelles ne doivent pas être négligées ». Selon lui, la PA n’est pas la première perspective qui s’intéresse à l’action. Pour illustrer son point de vue, Beacco évoque les travaux d’Austin et Searle qui considèrent le langage en tant qu’action, les approches actives de l’enseignement ainsi que « celle qui considère que les activités de classe, ont avantage à être réalistes ou vraisemblables ». Beacco estime aussi que même la notion de « tâche », intimement liée à la PA et considérée comme une des nouveautés du Cadre, n’est pas nouvelle et trouve ses racines dans « l’approche par tâches (dite Task Based Langague Teaching) et dans le « français fonctionnel ». Et Beacco de conclure que la PA n’est que « l’héritage de l’approche communicative » et dont elle « ne constitue, de ce point de vue, qu’une reformulation » (Ibidem : 98).
Pour Puren (2010), il existe une « opposition complète et radicale » entre approche communicative et PA qui tient aux « caractéristiques de l’ensemble [situations + finalités/objectifs] social de référence » des deux perspectives. Puren rappelle, à cet effet, que l’objectif politique de l’élaboration des Niveaux Seuils qui sont à la base de l’approche communicative, était de faciliter les échanges « occasionnels et ponctuels entre Européens » et que la situation de référence par excellence était le « voyage touristique ». Les caractéristiques fondamentales de l’approche communicative qui découlent logiquement, selon Puren, de cet ensemble « situation + finalités/objectifs » sont : « l’inchoativité [2], la brièveté, l’autosuffisance et l’individualité ». Par contre, l’objectif politique du CECR qui est pour la PA ce que sont les « Niveaux Seuils » sont pour l’approche communicative, n’est pas de former un « communicateur individuel » mais un « acteur social », le « citoyen d’un pays multilingue et multiculturel intégré dans l’espace commun européen » (Ibidem). La PA se situera, selon Puren, nécessairement donc dans « la continuité, la durée et la collectivité ».
Bourguignon (2006) développe un point de vue beaucoup plus catégorique sur cette question. Pour Bourguignon, la PA prônée dans le Cadre constitue un changement de paradigme et non une simple continuité. Le titre de son article est d’ailleurs très révélateur : « De l’approche communicative à l’approche communic’actionnelle : une rupture épistémologique en didactique des langues-cultures ». Bourguignon (Ibidem : 70) trouve regrettable le fait que les « perspectives ouvertes par le CECR soient occultées et que d’aucuns y voient « la priorité donnée à l’approche communicative » ; elle invite à une « lecture réfléchie » et non expliquée du Cadre, car les orientations de ce dernier s’inscrivent dans un paradigme constructiviste et non positiviste. L’exposé développé dans son article fait apparaître clairement que les logiques de deux perspectives communicative et actionnelle sont tout à fait différentes. Si la première, malgré les grandes avancées qu’elle a présentées, opère toujours, à son avis, une disjonction entre « l’objet et le sujet, la réflexion et l’action, l’apprenant et l’usager » ; la seconde cherche à les « conjoindre pour que la finalité de l’apprentissage d’une langue ne soit pas la bonne note mais l’utilisation autonome de la langue des situations plus ou moins complexes » (Ibidem, p.63).
Les positions évoquées dans cette rubrique sont loin d’être convergentes mais montrent, à notre avis, à quel point il s’avère nécessaire de se positionner dans ce débat. Nous souscrivons personnellement à l’idée que la PA présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui permettent de la distinguer de l’approche communicative.
2.3. Caractéristiques de l’approche actionnelle
L’analyse de la littérature sur ce sujet permet de dégager un certain nombre de caractéristiques de la PA.
Réaliser des tâches situées
Une des notions qui marque le passage de l’approche communicative à la PA est sans doute la notion de « tâche ». Dans la définition de la PA susmentionnée, il est question d’ « accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier » (CECR, 2001 : 15). Et plus loin, le Cadre précise que « les tâches ou activités sont l’un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, éducationnel et professionnel » (CECR : 121). Ces orientations du Cadre montrent que la tâche dans cette nouvelle perspective n’est pas l’équivalent de « simple exercice » ou de simple « tâche de communication » (Piccardo, 2014). Il ne s’agit donc pas de communiquer pour communiquer, comme le souligne Bourguignon, mais de rendre la communication au service de l’action. Il est un autre aspect de la tâche qui constitue une nouveauté, c’est l’authenticité. Les tâches doivent être « des faits de la vie quotidienne » qui se réalisent dans un « environnement donné ». Il s’ensuit donc que l’exercice par excellence de l’approche communicative à savoir, la simulation, devient obsolète. Il s’agit de « faire tomber les murs de la classe » et « de relier fortement la classe avec le monde extérieur » (Piccardo, 2014 : 70). Toujours est-il que les tâches débouchent souvent sur la réalisation d’un produit concret tels que « une brochure touristique, ou un blog, ou encore un projet de levée de fonds pour une cause humanitaire » (Ibidem).
L’apprenant comme acteur social
Il est un autre trait distinctif de la PA, c’est le fait de considérer l’apprenant comme un acteur social. Cette importance accordée à la dimension sociale de l’action est explicitement soulignée : « La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches … ». Si la centration dans l’approche communicative se faisait sur l’apprenant, avec la PA la centration se déplace sur le groupe-classe. On assiste donc à un changement de polarité, de l’individuel au collectif. Ceci semble plus en adéquation avec les objectifs stratégiques du Cadre. Puren (2010) précise à cet effet, que les concepteurs du Cadre n’avaient pas en tête le « voyage touristique » mais des situations sociales de référence où les gens sont amenés à vivre, étudier et travailler en permanence. Il s’agit donc de former un acteur social et non un « communicateur individuel » si l’on reprend l’expression de Puren. Pour Bourguignon (2006), la prise en considération de la dimension collective, répond à une préoccupation éthique nécessaire à l’accomplissement des actions sociales. Si le but est d’agir avec l’autre dans une langue et non seulement de communiquer, la prise de l’autre dans sa différence est indispensable pour arriver à atteindre un objectif commun. Concrètement parlant au niveau de la mise en œuvre des tâches, les modalités de travail en groupe doit être privilégiée. Et le travail en groupe ne concerne pas seulement la réalisation de la tâche mais aussi et surtout, comme le souligne Puren (2008), les étapes de conception et d’évaluation.
Développer des compétences
La PA se veut aussi une approche qui permet à l’apprenant-usager de développer des compétences. Mais les compétences dont il est question ne se limitent pas aux « four skills » de l’approche communicative, autrement dit, la compréhension orale, la production orale, la compréhension écrite, la production écrite. Le Cadre opère une distinction entre « compétences générales » et « compétences communicatives langagières » et considère que « toutes les compétences humaines contribuent, d’une façon ou d’une autre, à la capacité de communiquer de l’apprenant et peuvent être considérées comme des facettes de la compétence à communiquer » (CECR : 82). La conception de compétence dans le CECR est intimement liée à l’action. Ce qui importe dans la nouvelle perspective est non le développement de l’une ou plusieurs compétences langagières ou non langagières, mais la mobilisation des compétences et des ressources quelles qu’elles soient, afin de résoudre une situation problème : « Il y a « tâche » dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La PA prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social » (CECR, 2001 : 15). On s’aperçoit que le Cadre intègre les apports de l’approche par compétences telle que énoncée par Perrenoud (1995, entre autres), Jonnaert (2002), Rogiers (2008). Pour Piccardo (2013 : 24), il y a une grande différence entre la perspective prônée dans le Cadre et l’approche communicative :
Il ne s’agit plus d’organiser les contenus autours d’une ou plus des quatre compétences/skills à travailler, mais plutôt de considérer les activités communicatives comme autant d’actions que l’apprenant/acteur social accomplit en vue de développer des (ses) compétences langagières et générales. Cet acteur social mobilise des compétences.
Mise en œuvre par projet
La PA se caractérise par le fait qu’elle nécessite une mise en œuvre particulière. Si le Cadre laisse volontairement le champ libre aux possibilités (projets, simulations, jeux de rôle, etc.), les didacticiens voient nécessairement le recours au projet comme mise en œuvre de l’approche actionnelle. C’est le cas notamment de Puren (2008, 2009) et de Bourguignon (2006). Puren (2008) rappelle que l’enjeu pour les acteurs sociaux n’est pas seulement de « co-habiter » ou de d’ « inter-agir » mais de « co-agir », autrement dit « agir ensemble dans la durée et dans une perspective commune » (Ibidem, p.16). Pour Puren, la forme la plus aboutie pour mettre en œuvre cette co-action, est le projet. Bourguignon (2006) quant à elle, parle de « communic-action » qui constitue, selon ses propres propos, « UNE solution et non LA solution » au problème auquel se trouve confronté l’enseignement/apprentissage des langues-cultures aujourd’hui. Pour Bourguignon, la notion de projet est centrale dans cette démarche.
Évaluation orientée action
Le titre de cette rubrique emprunté à Puren (2008), met l’accent sur une autre caractéristique de la PA. Puren, à partir de l’analyse de trois manuels se réclamant de la PA, énumère un certain nombre de caractéristiques d’un projet répondant aux exigences de cette nouvelle perspective. Parmi les huit caractéristiques citées, deux d’entres elles sont réservées à l’évaluation. Il s’agit tout d’abord du « maintien d’une activité dite de métacognition ». Ce dont il est question dépasse les pratiques des évaluations formatives et sommatives classiques « parce qu’elle [cette activité de métacognition] intègre aussi l’explicitation de ce que l’on est en train de faire / de ce que l’on fait, ainsi que du pourquoi et du comment on le fait / on l’a fait ; ce qui peut amener effectivement à l’explicitation et à la prise en compte du vécu subjectif des acteurs » (Ibidem : 10). Puren précise également que cette activité de métacognition est de manière à développer l’autonomie et devient indispensable dès lors que le projet est piloté d’une façon interne, autrement dit par le groupe classe et non par d’une façon externe, c’est à dire par l’enseignant. La seconde caractéristique est d’une grande nouveauté en matière d’évaluation. C’est « le recours au critère spécifique de la réussite de l’action (critère « orienté action »). Contrairement aux pratiques d’évaluation traditionnelles, Puren trouve tout à fait nécessaire de dépasser le moment de l’unité didactique et le cadre de la classe. Évaluer un projet dans une perspective actionnelle amène à s’interroger par exemple sur la satisfaction des participants, sur le devenir du produit réalisé pour s’assurer que « l’objectif authentique du projet réel » a bien été atteint.
On pourrait évoquer également d’autres critères de cette évaluation orientée action. Picardo (2013, p.43) appelle à sortir de « la logique de l’évaluation des acquis » pour entrer dans une « logique de processus » qui vise « la mise en œuvre de la compétence ». Il conviendrait donc de rajouter comme critère d’évaluation dans la PA, la capacité de l’apprenant à mobiliser ses compétences et ses ressources. Bourguignon (2006 : 69) trouve que cette logique est en parfait accord avec l’approche communic-actionnelle et qu’il s’avère nécessaire d’évaluer la « manière dont l’apprenant atteint un objectif non plus langagier mais actionnel en utilisant la langue de manière pertinente ».
Toujours est-il que la PA prône le recours à des outils d’évaluation susceptible de rendre compte de la complexité de ces tâches. De Ketele (2013) trouve que le Portfolio est un des outils convenant parfaitement à l’évaluation des tâches. Il serait bon de rappeler que le CECR (p.133), lui-même, indique que le portfolio pourrait très bien répondre à la nécessité que « l’évaluation des connaissances et des savoir-faire devraient pouvoir tenir compte de l’ensemble des circonstances et expériences où ces connaissances et savoir-faire se mettent en place ».
Au terme de cet examen de la littérature au sujet de la PA, nous croyons avoir dégagé d’une façon non exhaustive bien entendu des caractéristiques permettant de distinguer ce qui relève de cette perspective et ce qui s’inscrirait dans le cadre de l’approche communicative. Nous croyons ainsi disposer des éléments théoriques nécessaires pour construire les outils d’enquête et d’analyse nécessaires à notre recherche.
3. MÉTHODOLOGIE
La méthodologie adoptée dans cette recherche a consisté à mener une campagne d’entretiens semi-directifs (Blanchet et Gotman, 1992) auprès de vingt enseignants de français dans les différentes Facultés de l’UL.
3.1. Échantillon
La taille de l’échantillon a été déterminée selon le principe de la saturation théorique (Thiétart, 2003), autrement dit, on arrête les entretiens à partir du moment où ces derniers ne dégagent plus de nouvelles informations pour enrichir la théorie. Force est de souligner ici que l’échantillon ne prétend pas à la représentativité. Ont été interviewés, en effet, les enseignants qui ont bien accepté d’accorder un entretien au chercheur.
Nous sommes conscient bien entendu des limites de cette enquête notamment au niveau de la généralisation des résultats. Il serait indispensable d’élargir l’échantillon et de recueillir des données supplémentaires par le truchement d’autres outils de recherche (questionnaire auprès des étudiants, observation de cours, etc.), pour offrir une vision plus complète de la situation et se permettre ainsi de proposer des résultats généralisables.
3.2. Analyse de contenu
Le corpus formé de la retranscription de tous les entretiens a fait l’objet d’une analyse de contenu. Nous avons opté à cette fin pour une analyse de contenu catégorielle (Bardin, 2001). Cette analyse consiste à « segmenter le texte en noyaux de sens et à les répartir dans des catégories de codage » (Idem : 41). L’unité de codage peut reposer, comme le souligne Quintin (2008), sur des « critères formels » (paragraphe, phrase, mot, message, etc.) ou sur le sens (unité de sens, parfois intitulée unité thématique). Nous avons opté pour des « unités de sens » et plus particulièrement pour les « actes de parole » (Roulet et al., 1985, cités par Quintin, 2008) qui nous ont paru une option bien adaptée à l’analyse de notre corpus. Dans ce sens, l’identification des noyaux de sens s’est fondée sur le repérage des actes de parole directeurs et des actes subordonnés, l’ensemble formant le segment textuel à coder. Toujours est-il que dans la présente recherche, l’ « unité d’énumération » est la même que l’ « unité de codage ». Il convient de souligner, en dernier lieu, que la définition des catégories qui ont servi à la construction de la grille d’analyse, provient de deux sources, conformément aux exigences de l’analyse de contenu catégorielle (Grawitz, 2001 : 617) : « du document lui-même et d’une certaine connaissance du domaine… ». Ainsi en nous basant sur les caractéristiques de la PA que nous avons dégagées de l’analyse de la littérature développée dans la rubrique précédente et sur une lecture approfondie du corpus, nous avons construit une grille d’analyse de contenu qui s’articule autour des rubriques suivantes : conception de la tâche, modalités de travail, conception de la grammaire, conception de l’évaluation, écueils et difficultés, attitudes face la perspective actionnelle.
À noter, en dernier lieu, que les deux opérations d’analyse et de comptage ont été effectuées manuellement par deux codeurs. L’indice d’accord Inter Rater Reliability (IRR) entre les deux codeurs a été jugé satisfaisant : 75%.
4. PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
Peut-être faudrait-il rappeler avant de procéder à la présentation et à l’analyse des résultats que la grille d’analyse de contenu a été conçue de manière à permettre de répondre aux deux questions de base de la recherche. La première partie de la grille intitulée : « caractéristiques de la PA » et qui s’articulait autour des sous-thèmes suivants : « conception de la tâche », « modalités de travail », « conception de la grammaire », « conception de l’évaluation », devait permettre de déterminer si les choix et les pratiques des enseignants sont en conformité avec la PA. La deuxième partie qui avait pour titre : « écueils et difficultés » et qui renfermait les sous-thèmes suivants : « convictions et représentations des enseignants », « contraintes administratives », « contraintes propres aux étudiants », « coût », visait comme son nom l’indique, à repérer les facteurs susceptibles d’influer sur les choix des enseignants. La troisième partie avait trait directement aux attitudes, notamment l’adhésion ou le rejet de la PA.
Au total 1093 unités de sens ont été comptabilisées. La figure ci-dessous (Fig. 1) montre la distribution générale des unités sur les parties et les valeurs recueillies par chacune d’elles.
Figure 1 – Distribution générale des résultats
4.1. Respect des principes de la perspective actionnelle
En réponse à la première question, les résultats montrent que les principes de base de la PA ne sont pas tous respectés.
Notion de la tâche
Les résultats montrent que la notion de la tâche est bien présente dans le discours des enseignants mais que la conception qu’en ont les enseignants ne correspond pas à celle prônée par les chercheurs en didactique de langue. En effet, la conception de la tâche dominante, comme le montre la Figure 2, est celle de « production langagière décontextualisée » (31%) qui se réalise par l’intermédiaire de « simulations » (34%) en classe. La notion de tâche comme « action authentique » débouchant sur la réalisation d’un produit concret et celle se basant sur la résolution des problèmes ne recueillent que 7% et 1% respectivement. Il semblerait donc que la notion d’action authentique située, désignée dans la littérature comme étant une des caractéristiques de base de la PA, ne soit pas ancrée dans les pratiques des enseignants.
Figure 2 - Conception de la tâche
Modalités de travail
La modalité de travail la plus privilégiée, comme le montre la Figure 3, est le travail individuel (45%) ou le travail en binômes (33%). La modalité de travail en groupe qui serait le plus en adéquation avec la PA ne recueille que 22% de l’ensemble des occurrences de cette rubrique. Les résultats de cette rubrique nous portent à croire que le changement de polarité de l’individuel au collectif n’est pas encore opéré. Nous pensons également que le fait que la modalité de travail en groupe ne soit pas privilégiée met en cause un des objectifs du CECR en général et de la PA en particulier, à savoir former un acteur social et non un « communicateur individuel » (Puren, 2010).
Figure 3 - Modalités de travail
Conception de la grammaire
Les résultats de cette rubrique (Fig. 4) méritent qu’on s’y attarde plus longuement car ils sont significatifs à plus d’un égard. La conception de la grammaire paraît très en adéquation avec la nouvelle perspective. La visée de la grammaire qui reçoit la valeur la plus importante est celle de la « grammaire au service de la tâche » (81%). Il est à noter que cet item a reçu la valeur la plus importante au niveau de tout le corpus : 108 occurrences sur 1093, soit 9,88% de l’ensemble du corpus. De plus, la méthode adoptée par les enseignants, à savoir la méthode inductive, est en adéquation aussi avec la PA. La méthode inductive comme le montre la Figure 4, reçoit la valeur de 82%. À quoi seraient dus ces résultats ? Qu’est-ce qui fait que les enseignants font des choix convenant plus à la PA ? L’interprétation la plus plausible, à notre sens, est que la place et le rôle attribués à la compétence linguistique en général et à la grammaire en particulier dans les deux perspectives actionnelle et communicative sont les mêmes. Les enseignants n’avaient donc pas à changer leurs pratiques dans ce domaine.
Figure 4 - Conception de la grammaire
Conception de l’évaluation
Les pratiques évaluatives des enseignants au vu des résultats de cette rubrique (Fig. 5) semblent porter de premier chef sur le contrôle puisque l’item « faire des tests ou des contrôles » porte la valeur la plus élevée : 41%. Mais les résultats montrent également que d’autres pratiques évaluatives sont privilégiées bien qu’à degré moindre. Il s’agit de pratiques évaluatives visant la remédiation (22%), l’autoévaluation (22%) et l’évaluation par les pairs (11%). Ces résultats montrent, à notre avis, que les pratiques évaluatives des enseignants ne s’inscrivent pas forcément dans le cadre de la PA. L’évaluation qui serait le plus en conformité avec l’esprit de cette perspective devrait être, selon Puren (2008), une « évaluation orientée action » et viser d’emblée le « maintien d’une activité dite de métacognition ». Il est vrai que les contraintes administratives imposent parfois un type d’évaluation bien déterminé, mais le manque de centration sur l’autoévaluation et la quasi absence de référence (4%) à la « réflexion sur les processus de résolution de la tâche » nous portent à croire qu’il s’agit toujours d’une évaluation qui n’assure pas suffisamment l’implication des apprenants et le développement des compétences. Les résultats de la seconde rubrique relative aux outils de l’évaluation vont dans ce sens. Les outils d’évaluation utilisés sont élaborés par l’enseignant (37%) ou sont ceux du DELF ou DALF (33%). Les grilles élaborées par l’enseignant et les étudiants représentent 24% et la notion du portfolio semble quasiment absente (6%). Cette conception de l’évaluation ne convient pas, à notre sens, aux exigences de la PA qui attribue à l’évaluation des fonctions qui dépassent les pratiques des évaluations formatives et sommatives classiques.
Figure 5 - Conception de l’évaluation
Il apparaît donc au vu des résultats de cette première partie que les pratiques des enseignants ne correspondent pas à la conception de la PA telle que définie dans la littérature. La conception que font les enseignants de cette perspective semble s’approcher plus de l’approche communicative.
4.2. Écueils et difficultés
Les résultats de cette deuxième partie (Fig. 6) visant à faire apparaître les écueils et difficultés de la mise en place de la PA, révèlent qu’il existe un certain nombre de facteurs qui semblent exercer une influence sur les choix des enseignants, tels que les contraintes administratives (42%), les convictions et les représentations des enseignants (29%), les contraintes propres aux étudiants (16%), le coût (13%).
Figure 6 - Écueils et difficultés
Contraintes administratives
Les contraintes administratives semblent influer surtout sur les pratiques des enseignants, mais ces contraintes n’ont pas, toutes, comme le montre la Figure 7, la même importance. L’inadéquation des manuels est le point le plus évoqué (42%). Par inadéquation des manuels, il faut entendre des tâches inadaptées au contexte. Proposer, par exemple, une tâche qui consiste à chercher un colocataire dans un pays où ce concept n’existe même pas pose un véritable problème aux enseignants qui se trouvent contraints d’aménager le contenu ou de proposer d’autres tâches plus adaptées. Il convient de souligner que le manuel qui a été le plus cité est « Alter ego » (Hachette).
Le manque de temps est un des facteurs le plus cité (31%). Mais il est à noter que le manque de temps est souvent lié à l’effort que fournissent les enseignants pour habituer les étudiants à une nouvelle méthodologie nécessitant plus d’implication, d’autonomie et d’interaction. Nous ne partageons pas personnellement ce point de vue ; nous estimons que les apprenants en général et les étudiants en particulier adhèrent facilement à une démarche visant à les impliquer davantage dans le processus d’enseignement et d’apprentissage. Nous pensons que cette attitude reflète une certaine réticence de la part des enseignants.
Parmi les contraintes citées figurent également le manque de formation et le manque des ressources. Bien que ces items ne reçoivent pas de valeurs très importantes : 12% et 9% respectivement, ils pourraient constituer, à notre sens, de vrais obstacles à l’implémentation de la PA.
Figure 7 - Contraintes administratives
Représentations et convictions des enseignants
Les résultats de cette rubrique qui occupent une place non négligeable au sein de la deuxième partie (29%, figure 6), révèlent que certaines convictions et certaines représentations des enseignants pourraient constituer un véritable obstacle à la mise en place de la PA. Vient en première place : 35% (Fig. 8) la contradiction soulignée entre la PA et le Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) ou sur Objectifs Universitaires (FOU). Certains enseignants voient une incompatibilité entre la PA et les différentes branches du FLE comme si la PA était une démarche propre à un domaine particulier. Or la PA s’avère plus adaptée, par exemple, aux exigences de l’enseignement professionnel : « la perspective actionnelle est structurellement plus adaptée aux objectifs de l’enseignement des langues à visée professionnelle que l’approche communicative » [3]. Ce type de réflexion pourrait, à notre avis, constituer un grand écueil à la mise en place de la nouvelle perspective et montre à quel point les principes et les visées de cette perspective devraient être explicitées.
En deuxième place, figure la « prédilection pour le culturel, le littéraire et l’esthétique » : 35% (Fig. 8). Certains enseignants trouvent que ces aspects sont négligés dans la PA et déclarent explicitement qu’ils rejettent cette perspective à cause de cela. Nous pensons personnellement que la PA n’exclut pas le développement des dimensions culturelle, littéraire et esthétique quitte, bien entendu, à le faire avec modération, comme ça devrait toujours être le cas dans l’enseignement du FLE (Debyser, 1997). Toutefois comme c’est le cas pour la contradiction soulignée entre PA et Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) ou Français sur Objectifs Universitaires (FOU), les convictions et les représentations devraient être prises en considération en vue d’une meilleure implémentation de la PA.
Les deux autres points relevés à savoir « privilégier l’écrit » (15%) et le « souci de la langue parfaite » (14%) relèvent également des représentations fortement ancrées au sujet de la langue et pourraient porter atteinte, à notre avis, à la mise en place de la nouvelle perspective.
Figure 8 - Représentations et convictions des enseignants
Contraintes propres aux étudiants
Les contraintes propres aux étudiants semblent constituer également un écueil à la mise en place de la nouvelle perspective, mais à un degré moindre : 16% (Fig. 6). Au sein de cette rubrique, le « manque de prérequis » (69%) est l’élément le plus cité. Viennent ensuite (Fig. 9) le « désintérêt des étudiants » (18%) et leur « prédilection pour la grammaire » (18%). Si le premier facteur nous semble tout à fait logique car susceptible, à notre avis, d’entraver la mise en place de la PA, nous trouvons très étonnant le fait d’évoquer le désintérêt des étudiants et leur prédilection pour la grammaire comme étant des obstacles à l’implémentation de cette perspective. Nous pensons être en droit de nous demander si le désintérêt et la prédilection pour la grammaire évoqués n’émanent pas des enseignants eux-mêmes.
Figure 9 - Contraintes propres aux étudiants
Coût
La PA semble être coûteuse en termes d’énergie (76%) et de dépenses (24%). Nous trouvons compréhensible le fait que la PA nécessite beaucoup d’énergie et d’investissement de la part de l’enseignant, mais il paraît étonnant que les étudiants aient à faire des dépenses en vue de réaliser certaines tâches. Cet aspect paraissant de prime abord anecdotique, pourrait, à notre avis, avoir des effets très pervers et des répercussions très négatives sur l’adhésion des étudiants à une démarche s’appuyant principalement sur leur implication.
Figure 10 - Coût
Les résultats de la deuxième partie jettent, à notre avis, un éclairage intéressant sur les difficultés et écueils qui amènent les enseignants à ne pas respecter tous les principes de la PA, voire à la rejeter.
4.3. Attitudes face à PA
Les attitudes des enseignants et des étudiants, comme le montrent la Figure 11, semblent en général favorables à l’égard de la PA. La rubrique « adhésion de l’étudiant » reçoit la valeur de 47%, celle de « adhésion de l’enseignant » recueille 31% de l’ensemble des occurrences de cette rubrique. Ces résultats nous paraissent logiques ; la PA est bien accueillie dans l’ensemble mais il reste des réticences dans son adoption.
Figure 11 - Attitudes face à la PA
5. DISCUSSION ET PERSPECTIVES
Les résultats de cette recherche indiquent que la PA fait son entrée dans l’enseignement du FLE à l’UL et que les enseignants et les étudiants développent des attitudes plutôt favorables à l’égard de cette perspective. Mais les résultats montrent que les principes de cette perspective ne sont pas tous appliqués. La conception que font les enseignants de cette perspective s’apparente plus, à notre sens, à celle de l’approche communicative. La notion de tâche intimement liée à la PA est fort présente dans le discours des enseignants, mais désigne la plupart du temps des tâches décontextualisés simulées et non des tâches authentiques débouchant sur des produits concrets. Il en est de même pour les modalités de travail adoptées qui demeurent plus axées sur l’individuel ou le binaire et non sur le collectif. Les pratiques évaluatives ne semblent pas encore s’inscrire dans une logique évaluative orientée action où le maintien d’une activité de métacognition collective et individuelle serait assuré avec recours à de nouveaux d’outils d’évaluation tel que le portfolio. La mise en œuvre par projet considérée par les chercheurs en didactique des langues comme étant un élément fédérateur susceptible de faciliter voire de permettre l’application de la PA, n’est pas toujours privilégiée. Force de constater toutefois que la conception de la grammaire paraît en parfaite adéquation avec la nouvelle perspective.
Ces résultats confirment, à notre sens, les constats maintes fois réitérés par certains chercheurs en didactique des langues postulant pour un changement radical (Puren, 2008) voire pour un « réel changement épistémologique » (Bourguignon, 2006) qui devrait être opéré pour que l’implémentation de la PA devienne possible. Il convient ici de rappeler que le CECR a été la référence de base ayant déterminé les choix en matière de formation et de conception des programmes de français FLE à l’Université Libanaise. Or le CECR bien que posant les bases de la PA, n’impose aucune méthodologie, ni ne promeut aucune théorie sous-tendant cette perspective et laisse une marge importante pour divers choix de mise en œuvre des pratiques enseignantes. Bento (2013) propose une analyse très éclairante sur ce sujet. À partir d’une métasynthèse de la littérature sur la PA, Bento démontre que les chercheurs en didactique des langues attribuent un ensemble de concepts formant un cadre théorique pour la PA « restreignant les possibilités offertes par le CECR » (Bento, 2013 : 96). Pour nous, le flou conceptuel et méthodologique dû à l’absence d’un cadre théorique précis et cohérent pourrait expliquer, dans une large mesure, l’application incomplète et même mutilée de la PA. Certaines difficultés qui ressortent de l’analyse des discours des enseignants sont à attribuer également, à notre avis, à ce manque d’explicitation du cadre conceptuel sous-tendant la PA.
Les résultats de la recherche font apparaître, par ailleurs, qu’il existe des difficultés de taille pouvant entraver la mise en place de la PA. L’inadéquation des manuels, le manque de ressources, le manque des prérequis, les représentations et les convictions des enseignants fortement ancrées au sujet des objectifs de l’enseignement d’une langue étrangère, etc., sont autant de facteurs qui pourraient rendre difficile l’implémentation de la nouvelle perspective.
Au vu de ces résultats, et malgré les limites de la recherche susmentionnées, plusieurs recommandations peuvent être formulées :
– Il serait souhaitable, eu égard, à la particularité du contexte de l’UL que les difficultés d’ordre administratif et technique soient levées pour assurer une bonne implémentation de l’approche actionnelle préconisée.
– Il serait fortement recommandé de concevoir un matériel didactique adapté au contexte et d’éviter dans la mesure du possible le recours aux méthodes toutes faites qui semblent constituer, aux yeux des enseignants, un écueil plus qu’un atout.
– Il serait indispensable, à notre sens, d’élaborer et de mettre à la disposition de tous les enseignants chargés de la remise à niveau linguistique dans toutes les facultés de l’UL, un cadre de référence théorique explicitant les visées, les principes et les caractéristiques de la PA. Sans positionnement clair de la part des instances chargées de pilotage de la politique linguistique à l’UL, l’on ne peut pas trop parier, à notre avis, sur l’adhésion des enseignants à la nouvelle perspective d’autant plus que les frontières entre la PA et l’approche communicative ne sont pas complètement étanches voire incertaines.
Notes
[2] Néologisme créé par Puren, formé sur « inchoatif », qualificatif attribué en linguistique aux verbes qui marquent le début d’une action.
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