Le TBI en classe de français au Liban : un outil d’innovation et de motivation ?
Zeinab OLLEIK, Université Libanaise, Liban
Résumé
Depuis quelques années, le TBI a été introduit dans les écoles libanaises comme un outil d’innovation afin d’accompagner les spectaculaires progrès qui ont eu lieu dans le domaine du numérique au cours de la dernière décennie. Toutefois, cet outil reste l’apanage des écoles privées payantes qui l’utilisent parfois comme un atout de vente afin d’attirer le plus grand nombre d’élèves. Dans notre article, nous nous interrogerons sur les possibilités d’innovation pédagogique induites par l’usage du TBI en classe de français langue seconde. Nos résultats se basent sur un questionnaire distribué à des enseignants de français travaillant dans les cycles primaires et complémentaires dans une vingtaine d’écoles situées à Beyrouth et dans le Sud du Liban. Malgré le « temps fou » qu’exige la préparation d’un cours de français sur TBI, les enquêtés insistent sur le caractère interactif de l’outil présenté comme un excellent vecteur de motivation qui stimule la participation des apprenants et qui favorise l’apprentissage des compétences, longtemps négligées, comme l’oral.
Formation - Français langue seconde - Innovation - Interactivité - TBI
Abstract
Since few years, the active board was introduced in Lebanese schools as a tool for innovation in order to accompany the spectacular advances in the field of digital over the last decade. However, this tool remains the prerogative of fee-paying private schools who sometimes use it as an asset sale to attract the largest number of students. In our article, we will examine on the possibilities of educational innovation induced by the use of the active board in French as a second language class. Our results are based on a questionnaire distributed to teachers of French working in primary and complementary cycles in about 20 schools located in Beirut and in the South of Lebanon. Despite the « crazy time » that requires the preparation of a course of French on active board, the respondents insist on the interactive character of the tool presented as a great vector of motivation which stimulates the participation of learners and promote learning skills, long-neglected, as the oral.
Active board - French second language - Innovation - Interactivity - Training
1. INTRODUCTION
Le présent article expose les premiers résultats d’une recherche sur l’impact du Tableau Blanc Interactif (TBI) sur les pratiques d’enseignement/apprentissage du français langue seconde en contexte scolaire libanais où le TBI est considéré comme un bon outil pour accompagner le rapide progrès dans le domaine du numérique et moderniser l’enseignement. Cette représentation de l’artefact technique comme un catalyseur de changement lui attribue un impact novateur sur la situation d’enseignement/apprentissage.
C’est dans cette perspective d’innovation que nous plaçons le cadre théorique de notre étude que nous présenterons dans la première partie, en soulignant son rapport aux TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation). La deuxième partie est consacrée au contexte scolaire libanais. Après une brève description de la méthodologie d’enquête utilisée, nous présenterons les résultats de notre recherche.
2. CADRE THÉORIQUE : TICE ET INNOVATION
Depuis quelques années, les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement font plus que jamais parler d’innovation pédagogique. C’est que l’innovation a toujours été rattachée à une invention. Cette relation est marquée dans la définition que donne Alter (2000, 12-13) du terme innovation : « elle représente le processus par lequel un corps social s’empare ou non de l’invention ». L’auteur souligne trois étapes créatrices du processus d’innovation : l’invention, l’appropriation et l’institutionnalisation. Le processus implique donc un dialogue entre les promoteurs et les adeptes de l’invention afin de lui trouver un sens qui pourrait justifier son existence et « faire échec à l’absurde » selon les termes d’Alter (Ibid, 68). La troisième étape vise à « mettre l’action en forme » afin de permettre la mise en place des pratiques innovantes.
Plusieurs chercheurs ont essayé de modéliser l’insertion des TICE en classe afin de dégager leur valeur ajoutée. Plusieurs modèles ont été proposés parmi lesquels le modèle SAMR, élaboré par Ruben Puentedura qui, en interrogeant les pratiques des enseignants, permet de mesurer son impact sur l’engagement de l’apprenant.
– Substitution : l’outil technologique est utilisé pour les mêmes fonctions que l’outil traditionnel.
– Augmentation : en plus de sa fonction précédente de substitut, la technologie permet l’exploitation des fonctionnalités supplémentaires qui augmentent l’efficacité de la tâche accomplie.
– Modification : le troisième niveau d’interaction entre l’usager et l’outil technologique implique un changement méthodologique qui implique l’utilisation des potentialités interactives de l’outil. La notion collaboration est invoquée.
– Redéfinition : A ce dernier niveau, la technologie favorise la création de certaines tâches impossibles à réaliser auparavant sans technologie.
Si le TBI fait partie des outils technologiques les plus utilisés dans le milieu éducatif libanais, c’est que, usagers et décideurs, considèrent que son potentiel interactif est censé augmenter l’interactivité qui pourrait augmenter le rendement de l’enseignement et changer les pratiques, donc, innover. Partant de cette hypothèse, nous avons essayé d’analyser la valeur ajoutée de l’intégration du TBI en classe de français.
3. LE CONTEXTE
Après la fin de la guerre civile (1975-1990), le Ministère de l’Éducation nationale a entrepris une réforme des programmes dans tous les cycles d’apprentissage. Cette réforme, appliquée à partir de la rentrée 1997, a mis l’accent sur la nécessité d’équiper les écoles de matériels technologiques et d’offrir aux enseignants une formation continue adéquate à l’intégration de l’outil technologique. Sur le terrain, cet objectif s’est traduit par la création de salles informatiques qui ont été utilisées uniquement… par les enseignants de technologie.
Actuellement, le CRDP [1] prépare une nouvelle réforme des programmes qui sera accompagnée d’un plan d’équipement numérique des écoles primaires et complémentaires. Quant au secteur privé, qui occupe 53,5% du secteur éducatif libanais [2] , bien qu’il ne soit pas financé par l’État, il est obligé de suivre et d’appliquer les objectifs généraux de l’enseignement/ apprentissage fixés par l’État.
3.1. Le TBI dans les écoles publiques
Le Ministère de l’Éducation Nationale au Liban ne dispose pas de données chiffrées concernant le nombre de TBI installés dans les écoles publiques primaires et complémentaires [3]. Les TBI disponibles étant offerts par les mairies ou des associations ou par l’Agence Américaine pour le développement dans le cadre du projet « Dirassati » (Mes études). En plus, le Ministère lancera bientôt un plan d’équipement numérique des écoles primaires et complémentaires (intégration de TBI et des tablettes tactiles). Pour cela, un module de formation à l’usage des TICE a été intégré dans les programmes de formation initiale des enseignants. Le CRDP a déjà commencé à organiser des formations à l’usage des TICE dans le cadre du dispositif de la formation continue des enseignants. D’ailleurs, Les enseignants du secteur public sont tellement motivés pour intégrer le numérique dans leurs pratiques qu’ils n’hésitent pas parfois à financer eux-mêmes leurs formations en participant à des sessions organisées par des associations et des organisations non gouvernementales.
3.2. Le TBI dans les écoles privées
Le TBI n’a pas encore été généralisé dans toutes les écoles privées. Cela s’explique par le coût relativement élevé du matériel ainsi que celui de la formation préalable des enseignants. Les écoles privées libanaises étant essentiellement à caractère confessionnel, leur financement dépend des institutions religieuses auxquelles elles appartiennent. Ayant souvent des objectifs très précis dus à une compétition réelle entre les établissements et une image à valoriser, les écoles privées s’imposent toujours des investissements importants au niveau humain et matériel. Dans cette perspective, l’intégration du numérique dans l’enseignement/apprentissage s’est révélé être une nécessité absolue qui garantit à l’école les chances de rester dans la compétition. Pourtant, rares sont les écoles qui ont équipé toutes les classes de tous les cycles de TBI : certaines ont installé un TBI par étage ; d’autres ont choisi de l’installer dans toutes les classes du cycle primaire ou complémentaires. Quant aux écoles françaises de l’AEFE, elles l’ont fait sur la base du volontariat des enseignants comme le Lycée Verdun par exemple qui a équipé 9 classes seulement (maternelle et primaire). Ce choix est motivé par la volonté de tester l’outil avant de le généraliser dans toutes les classes.
4. MÉTHODOLOGIE
L’objectif de notre recherche est d’étudier la valeur ajoutée de l’intégration du TBI en classe de français. La première étape de notre étude était d’interroger le plus grand nombre d’enseignants qui utilisent cet outil afin d’établir leurs profils, d’avoir des éléments qui pourront nous aider à mieux analyser et interpréter nos observations de classe.
Nous avons distribué une centaine de questionnaires dans 20 écoles privées appartenant aux différentes fondations religieuses représentant les principales confessions (Beyrouth et Liban-Sud) ainsi qu’aux écoles laïques françaises situées à Beyrouth. Nous en avons récupéré 74 exploitables.
Notre questionnaire est formé de 37 questions réparties en 6 parties. La première est consacrée à identifier des profils des enseignants qui utilisent le TBI. La deuxième à la formation à l’usage du TBI, la 3e était consacré à étudier l’impact de l’outil sur la préparation, ensuite sur l’organisation des activités didactiques, et enfin, sur les rôles de l’enseignant et de l’apprenant.
5. ANALYSE DES DONNÉES
5.1. Caractéristiques de l’échantillon
Tableau 1 – Caractéristiques de l’échantillon
Notre échantillon est formé à 100 % de femmes. En effet, celles-ci dominent le secteur éducatif : selon les statistiques du CRDP, 76,1 % sont des femmes contre 23,9 % des hommes. Quant à l’âge, 31 % des enseignantes ont plus de 45 ans, ce qui montre que l’usage du TBI n’est pas réservé aux plus jeunes réputés pour leur maitrise de l’outil numérique. En effet, dans la plupart des écoles où seules quelques classes sont équipées d’un TBI, l’usage de cet outil se faisant sur la base du volontariat, ce sont les enseignants chevronnés qui choisissent d’utiliser le TBI puisque 56 % ont plus de 15 ans d’expérience. Plus de la moitié de notre échantillon détient un master, le reste est titulaire soit d’une licence soit d’un diplôme professionnel : il s’agit le plus souvent d’enseignantes des classes préparatoires (CP) qui avaient suivi une formation technique et qui enseignaient à l’origine à l’école maternelle.
5.2. Formation à l’usage du TBI
Tableau 2 – Formations à l’usage du TBI
Le tableau ci-dessus synthétise les données concernant les formations suivies par notre échantillon afin de bien réussir l’intégration du TBI dans leurs pratiques. Certaines enseignantes n’ont suivi aucune formation préalable (8 %). La plupart ont suivi entre 1 et 5 sessions contre 16,2 % entre 6 et 9. Le même pourcentage a suivi plus de 9 sessions : il s’agit des courtes sessions intégrées dans le cadre de la formation continue des enseignants qui doivent consacrer une journée par mois aux différents types de formations. La plupart de celles-ci sont de courte durée. En effet, 66 % des formations durent moins d’une journée, 12 % une journée et 22 % sont étalées sur 2 journées. Quant au formateur, il s’agit en général soit d’un expert travaillant en dehors de l’école (68,6 %) soit d’un membre de la cellule TICE de l’école (16,2 %).
Plus que la moitié de notre échantillon (62 %) juge les formations insuffisantes. Les enseignantes invoquent plusieurs raisons dont le nombre réduit des formations. Mais la raison la plus citée est la primauté du contenu technique (usage du logiciel Activinspire) et absence de contenu pédagogique (création d’activités).
Les enseignantes regrettent aussi l’absence de « retour sur les pratiques et absence d’échanges entre les profs pour mutualiser et enrichir ses pratiques ». « Ces formations ne sont pas suffisantes car l’usage est la meilleure formation continue ». « Il existe quelques fonctionnalités du TBI que je n’ai pas encore découvertes ». Quant aux 30% qui jugent les formations suffisantes, celles-ci ont suivi plus de 6 sessions, elles avaient déjà des compétences informatiques qui les ont aidées à maitriser l’outil plus rapidement que les autres. D’autres ont appris « les techniques d’utilisation du TBI ainsi que la créations des activités à exploiter en classe de langue ».
5.3. TBI et gestion de la classe
Le TBI est source de discipline en classe : tous les enseignants déclarent que les apprenants sont plus disciplinés dans un cours avec TBI « car le grand écran du TBI permet de recentrer l’attention ». En effet, l’outil est un excellent vecteur de motivation grâce à la présence fonctionnalités interactives qui n’existent pas dans un tableau traditionnel « ils sont plus attentifs et actifs. Cela peut être expliqué par la présence des couleurs plus attractives, la diversité et la richesse des supports (images, audio-visuel) ». « Ils sont plus enthousiasmés à passer au tableau et à découvrir les actions préparées sur TBI. C’est l’ergonomie du TBI et les différents outils de son logiciel qui attirent les apprenants. (Le stylet, le texte, les couleurs, etc.).
Le rapport du TBI au temps est paradoxal : bien que déclaré chronophage, par tous les enseignants interrogés, pendant la phase de préparation, il permet d’économiser le temps pendant le cours : « Le prof n’a plus besoin de temps pour écrire au tableau car avec TBI tout est déjà préparé auparavant ». En effet, celui-ci est utilisé comme une surface de projection par les enseignants et comme un simple substitut du tableau blanc. C’est la phase de substitution.
L’âge des enseignants est un facteur qui influence la préparation : les jeunes âgés entre 20 et 30 ans préparent toujours leurs leçons sur le progiciel du TBI, ce qui leur permet d’intégrer sur le même support des documents audiovisuels, des documents écrits et des images fixes. Cependant, les enseignants les plus âgés utilisent le plus souvent PowerPoint ou Word. Certains se contentent de numériser les supports, de les insérer sur PowerPoint afin de les projeter en classe. Celles-ci évitent d’utiliser le stylet et se contentent de la souris et du clavier de l’ordinateur pour compléter leurs documents. Dans tous les cas, les ressources crées par les enseignants pourront être réutilisées, modifiées, adaptées en fonction du public surtout que le TBI permet de sauvegarder toutes les traces de modifications induites par la gestion de l’imprévu en classe qui implique une déplanification et une replanification du contenu des cours.
5.4. TBI et activités didactiques
L’ergonomie du tableau n’est pas la seule source de motivation. La planification des cours de langue y est pour une grande partie. En effet, le TBI permet d’exploiter des supports riches et diversifiés, d’introduire des documents authentiques, de travailler plusieurs compétences en même temps et surtout la compréhension et la production orale. Le potentiel interactif et multimédia de l’outil permet aux enseignants d’introduire la compréhension orale dans presque tous les objectifs d’apprentissage de la langue. Par exemple, dans un cours de lecture, en classe de CM2, l’enseignante remplace la simple lecture de l’image du document déclencheur qui accompagne le texte, par le visionnement d’une vidéo qui expose le thème et les personnages du texte. Cette vidéo permet de travailler les compétences de compréhension et de production orales en mettant l’apprenant en contact avec un document authentique qui favoriserait le développement de leurs compétences en langue cible.
Toutefois, les enseignants interrogés n’utilisent presque jamais le TBI pour la production écrite, l’écriture collaborative n’étant pas recommandée par les institutions.
La formation continue des enseignants est décisive dans l’évolution des pratiques. En effet, celles qui ont suivi plus de 9 formations ont vu changer leur usage du TBI avec le temps. D’un simple substitut du tableau blanc, elles ont réussi à impliquer les apprenants dans leur apprentissage en transformant n’importe quel événement scolaire ou extrascolaire en une activité de production orale en langue française. Les élèves préparent leurs exposés sur Powerpoint, les présentent devant leurs pairs.
L’objectif est de « faire le lien entre activités collectives et activités individuelles : les démonstrations et explications en classe doivent être suivies d’activités individuelles en salle informatique : construction géométrique, production écrite, conceptions de diaporama sur les différents projets de classe : sorties, cinéma-architecture, histoire de l’art, jeux interactifs) ». Leur motivation est double puisqu’en plus du développement des compétences informatiques, ils utilisent des documents authentiques comme les photos de leurs sorties afin de développer leurs compétences linguistiques. C’est ainsi qu’ils deviennent des acteurs de leur apprentissage.
Si certaines recherches montrent que l’intérêt des élèves pour le TBI diminue avec le temps, nos résultats prouvent le contraire : le facteur temps joue en faveur des enseignants qui en réfléchissant sur leurs pratiques, en se remettant en question, font évoluer leur méthodologie d’enseignement en passant de la phase de substitution à la phase d’augmentation et parfois à la phase de modification de leurs pratiques. Ce qui n’est pas sans effet sur la motivation des apprenants.
5.5. TBI et le rôle des enseignants et des apprenants
La dernière partie de notre questionnaire concerne les représentations des enseignants quant aux changements des rôles des interactants utilisant le TBI. Les analyses mettent en évidence des corrélations entre les pratiques des classes et les représentations des enseignants. En effet, ceux qui sont encore dans la phase de substitution considèrent que le TBI ne change pas le rôle de l’enseignant, ni celui de l’apprenant : « L’enseignant est présent. Il gère tout. Il amène ses élèves à réfléchir, à se poser des questions pour en déduire une synthèse qu’il devra formuler ». La même enseignante souligne que « étant donné le coût élevé de l’outil, les enseignants évitent que les élèves passent le plus souvent au tableau pour ne pas l’abimer. Ce qui enlève tout aspect interactif transforme les élèves en simples téléspectateurs ». Il participe donc à maintenir un enseignement de type frontal.
En revanche, les enseignants qui sont dans les niveaux d’augmentation et de modification soulignent les changements induits par le TBI dans les relations pédagogiques : « La diversité des supports permise par le TBI implique que l’enseignant n’est plus la seule source du savoir. Son rôle est plutôt de pousser l’élève à découvrir la notion expliquée à partir du TBI ». « Dans certains cas, le TBI permet à l’apprenant de devenir un acteur de son apprentissage quand celui-ci fait l’effort d’assumer la responsabilité davantage dans l’explication. Il doit être plus actif. Dans certains cas, le TBI joue un rôle inverse dans l’apprentissage. L’élève se croit devant un écran ».
6. CONCLUSIONS PARTIELLES
Dans le contexte scolaire libanais, l’intégration du TBI en classe de langue obéit à tous les critères qui en font un acteur de l’innovation pédagogique selon la définition de Cros cité plus haut. Le TBI est une invention dont l’appropriation en classe est le résultat d’une négociation entre développeurs et décideurs. Il implique un changement dans les pratiques des enseignants qui peuvent aller d’une simple substitution du tableau noir à une modification de la nature et de l’accomplissement des tâches en langue cible sans toutefois arriver à la phase de redéfinition qui implique la collaboration et la créativité.
Sur le plan matériel, « le TBI est un outil extrêmement polyvalent qui remplace avantageusement le tableau blanc classique, le magnétophone, le magnétoscope, le rétroprojecteur et même le bon vieux tableau de feutre, celui qui permet de coller des éléments repositionnables au tableau pour demander aux élèves de les ordonner ». (Duensing, 2007). Il favorise donc l’exploitation des documents multimédias qui peuvent être mis au service de l’apprentissage de l’oral, une compétence qui a été longtemps négligée dans une culture éducative centrée sur l’écrit.
D’autre part, des difficultés d’ordre matériel contribuent à limiter les apports novateurs de l’artefact comme l’absence de connexion à internet dans les classes, ce qui oblige les enseignants à télécharger ou préparer tous les documents à l’avance. Cette contrainte limite la richesse des ressources utilisées en classe.
La formation des enseignants à la conception des activités interactives et l’intégration de l’outil dans un projet pédagogique restent les principaux besoins qui permettront d’optimiser les profits du caractère interactif de l’outil.
Enfin, l’intégration du TBI en classe de français au Liban reste encore confiné dans le cadre de « l’innovation pédagogique incrémentale » (Guyomar, 2013) puisque ses apports se limitent à un « présentiel amélioré » sans effectuer un changement radical dans les pratiques ou dans l’organisation de la situation d’enseignement/apprentissage. En plus, les enseignants ne diffusent pas les résultats de leurs pratiques puisqu’ils en relativisent le caractère novateur, l’outil ayant déjà été expérimenté dans d’autres contextes éducatifs avec des résultats que les enseignants considèrent meilleurs que les leurs.
Si selon les termes de Bernard Rey (2016), innover c’est interroger ses pratiques, le TBI est un outil d’innovation puisqu’il permet déjà aux usagers de remettre en question leurs pratiques.
Notes
[1] CRDP : Le Centre de recherche et de développement pédagogique est l’organisme public chargé de préparer les curricula et les livres scolaires et d’organiser les formations continues des enseignants.
[2] Selon les statistiques du CRDP pour l’année scolaire 2014-2015 disponibles sur le site du centre dans sa version arabe.
[3] Dans les lycées, depuis 2013, le Ministère a entamé son projet d’équipement numérique et certaines écoles pilotes intègrent déjà tablettes et TBI.
Références bibliographiques
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Duensing, J. (2007). « L’utilisation du TBI en langues vivantes », [En ligne], Consulté le 12 septembre 2014. URL : http://espaceeducatif.ac-rennes.fr/jahia/webdav/site/espaceeducatif3/groups/pole-langues-vivantes_Webmestres/public/documents/TICE/cr_tbi
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