La ponctuation en classe de FLE : enjeux et difficultés. Le cas des étudiants du département de français de l’université de Laghouat
Thameur TIFOUR, Université Amar Téledji-Laghouat, Algérie
Imane Amal AIT MECHDAL, Université Amar Téledji-Laghouat, Algérie
Zahia DZAIT, Université Amar Téledji-Laghouat, Algérie
Résumé
La ponctuation est un système de signes typographiques structurant une phrase. Elle participe à l’organisation formelle d’un énoncé et à la réécriture sémantique de son interprétation. Le présent article tente de remodeler l’enseignement-apprentissage de la ponctuation en classe de FLE et de repérer sa place institutionnelle parmi le vaste champ des contenus pédagogiques mis à la disposition des partenaires du contrat didactique.
Cohésion sémantique - Fonctions - Ponctuation - Structuration syntaxique
Abstract
Punctuation is a system of typographic signs structuring a sentence. It participates in the formal organization of a statement and in the semantic rewriting of its interpretation. This article attempts to remodel the teaching-learning of punctuation in the FFL class and to identify its institutional place among the vast field of pedagogical contents made available to the partners of a didactic contract.
Functions - Punctuation - Semantic cohesion - Syntactic structuring
Introduction
L’écrit, quel que soit son genre, est cette organisation scripturaire régie par un ensemble de normes morphosyntaxiques analysant sa cohérence structurelle et sa cohésion sémantique. Un texte écrit avec cohérence est l’image d’une interdépendance énonciative liée à la fois à l’intention de l’auteur ainsi qu’à l’agencement des syntagmes formant cette unité syntaxique du sens.
En effet, la ponctuation, étant l’outil de structuration d’un énoncé, est formée de mécanismes formels et informels permettant d’apporter une signifiance lexico-sémantique aux syntagmes mis en relation et de recadrer le sens produit par cet agencement syntaxique. La systématisation typographique d’une structure donnée participe sémiotiquement au renouvellement du potentiel de chaque partie de discours et à la modélisation de son fonctionnement stylistique. Écrire un texte selon les préceptes de la cohérence et de la cohésion nécessite un repositionnement des marques de ponctuation dans l’énoncé en fonction de leurs valeurs syntaxiques et de leurs effets sémantiques sur la pensée co-créée et la prosodie phrastique choisie.
La ponctuation est un système de renfort de l’écriture, formé de signes syntaxiques, chargé d’organiser les rapports et la proportion des parties du discours et des pauses orales et écrites. Ces signes participent ainsi à toutes les fonctions de la syntaxe grammaticales, intonatives et sémantique. (Catach, 1996 : 32)
En Algérie, la correction des copies de la production écrite se limite au simple repérage des erreurs. Or, la correction collective et la remise à niveau de la récurrence de certaines erreurs constituent un moment d’apprentissage où l’enseignant devrait remettre en question son enseignement et réactiver certains préceptes longtemps mis en retrait. Il importe de citer certains travaux de recherche ayant mis l’accent sur la ponctuation et sa valeur à l’écrit : Tournier (1980), Catach (1994), Lemaître (1995) et Dufour (2014).
Afin de mieux comprendre le fonctionnement du système de ponctuation ainsi que les obstacles qui entravent l’application de ces règles, une question demeure importante : pourquoi les apprenants n’arrivent-ils pas à comprendre l’usage des signes de ponctuation ?
1. Ponctuation
1.1. Définition
La ponctuation est un système de division graphique permettant de marquer des pauses de différentes durées entre les énoncés, d’indiquer certaines relations syntactiques et de remodeler certaines indications expressives : « la ponctuation est l’ensemble des signes conventionnels servant à indiquer, dans l’écrit des faits de la langue liens logiques. » (Grevisse 1995 : 43)
1.2. Fonctions des signes de ponctuation
Dufour et Chartrand (2014 : 93-95) distinguent quatre fonctions de la ponctuation :
1.2.1. Fonction prosodique
Les signes de ponctuation peuvent contribuer à la distinction des différentes composantes de la prosodie liées aux constituants linguistiques de la phrase tels : la voix, le rythme et l’intonation.
1.2.2. Fonction syntaxique
Les signes de ponctuation servent à segmenter l’énoncé en unités syntaxiques.
Ce sont d’abord les signes de ponctuation forte qui, avec les majuscules de début de phrase, marquent les frontières des phrases graphiques, qui peuvent être, à l’occasion des phrases P, c’est-à-dire des unités syntaxiques constituées minimalement des deux constituants obligatoires : un sujet et un prédicat ; certains autres signes, comme la virgule, le point-virgule et le deux-points, interviennent au sein même des phrases graphiques pour séparer des P, des groupes ou des mots. (Dufour & Chartrand, 2014 : 93)
En d’autres termes, les marques de ponctuation permettent de :
– Séparer des mots : l’apostrophe et le trait d’union séparent des mots ou des parties de mots.
– Délimiter les syntagmes intra-phrastiques : il s’agit de segmenter les sous-phrases d’une phrase complexe formée de propositions indépendantes (le cas du point-virgule avec la virgule).
1.3. Fonction sémantique
Les marques de ponctuation participent à la compréhension de l’énoncé et à l’interprétation du référent de la signification encodée.
Chez Védénina, les aspects syntaxiques et communicatifs de la ponctuation ont bien à voir avec le sens, mais d’une manière indirecte qui vise à satisfaire les besoins de l’expression linguistique. Un autre aspect, proprement « sémantique » celui-là, envisage une corrélation directe entre ponctuation et sens. Dans ce domaine, Védénina fait une différence entre signes de démarcation, signes de régulation et signes de qualification. (Jaffré, 1991 : 78)
En d’autres termes, les signes de ponctuation octroient :
– Une indication modale : la ponctuation finale de la phrase est parfois la seule marque typologique d’une phrase (déclarative, interrogative ou exclamative) : « Tu viens. Tu viens ? Tu viens ! ». Dans ces cas, l’effet de la sonorisation descendante ou ascendante joue un rôle déterminant dans l’indication de la modalité.
– Une contribution à la configuration syntaxique (et donc à l’interprétation) de la phrase : la virgule pouvant éclairer la segmentation d’une phrase en termes de sujet et de prédicat.
1.4. Fonction énonciative
Les signes de ponctuation peuvent mettre en valeur les différents acteurs du système d’énonciation et participer à la restructuration du plan énonciatif.
Certains signes sont « énonciatifs » en ce qu’ils sont porteurs d’indications qui concernent non plus seulement la construction de la phrase, mais celui de l’énonciation, l’acte de production d’un message. Ce sont principalement ceux qui sont utilisés par paire, soit les guillemets, les parenthèses, les crochets, les tirets, mais aussi la virgule – double ou non – et les signes liés à l’utilisation du discours rapporté : le tiret, les guillemets, les deux points qui annoncent des paroles et la virgule qui précède ou encadre les phrases incise et incidente. (Dufour & Chartrand, 2014 : 93)
Ces marques déterminent le rôle des acteurs de l’énonciation ainsi que leurs positions dans le discours et l’énonciation.
2. Règles de ponctuation
2.1. Lois de Tournier (1980)
Selon des règles morphosyntaxiques, Tournier (1980) propose trois lois déterminantes régissant la relation entre les différents signes de ponctuation et les hiérarchisant en fonction du schéma ternaire : exclusion, neutralisation et absorption.
Tableau 1 – Lois de Tournier (1980)
2.2. Lois de Catach (1996)
La hiérarchisation des signes de ponctuation relève de cinq lois sous-tendant la structure formelle de l’énoncé en général et du discours en particulier. Le fonctionnement de ces lois explicite le rôle du choix d’un tel ponctème dans l’agencement structurel de la phrase ainsi que sa visibilité sémantique.
Tableau 2 – Lois de Catach (1996)
3. L’enseignement/apprentissage de la ponctuation en classe de FLE
Lorsqu’il s’agit de l’enseignement de la ponctuation en classe de langue, il importe de remodeler les différentes stratégies d’enseignement / apprentissage de ce savoir scripturaire implicite en fonction de la structure phrastique énoncée et du genre de discours à produire. En effet, expliciter les fonctions de la ponctuation dans l’organisation d’un écrit définit les mécanismes qui sous-tendent la structuration cognitive des idées reçues, générées en termes de production écrite. Il semble que la réécriture sobre des savoirs à enseigner joue un rôle primordial dans l’application signifiante de ces rudiments syntactiques ; après avoir corrigé les copies de certains étudiants du département de français, les questionnements soulevés révèlent qu’un bon nombre d’apprenants ne connaissent pas l’usage correct de ces signes de ponctuation et éprouvent des difficultés de maîtrise et d’application de ces derniers. Cela explique, nous semble-t-il, le besoin d’enseigner explicitement ces balises syntaxiques à travers des textes où l’on doit faire appel à l’ensemble des connaissances grammaticales apprises.
Les documents prescrits destinés aux apprenants du français n’accordent aucune importance aux stratégies d’enseignement de la ponctuation et à l’explicitation de sa didactisation. Les contenus d’enseignement se révèlent problématiques et diffèrent d’un document à l’autre, ce qui explique la non-harmonisation des savoir-savants dispensés et entravent la compréhension des savoirs enseignés. Selon Dufour et Chartrand, il importerait de se focaliser sur :
la plurifonctionnalité des signes, l’importance de considérer la ponctuation en lien avec les genres de discours, l’utilité de la ponctuation en réception (lecture) comme en production (écriture) et le nécessaire arrimage de la progression dans l’enseignement de ses contenus à ceux de l’écriture de textes de genres divers (Dufour et Chartrand, 2006 : 98)
4. Méthodologie
La présente recherche se focalise sur une proposition didactique dont l’objet est les marques de ponctuation et l’analyse des erreurs commises par les apprenants.
4.1. Les activités proposées
4.1.1. Première activité
La première activité a pour objectif d’identifier les différentes utilisations du point, du point d’interrogation et du point d’exclamation dans les phrases proposées :
Consigne : Mettez, à l’endroit marqué par trois points, soit un point, soit un point d’interrogation, soit un point d’exclamation.
– Depuis quelques jours, aucune lettre ne me parvenait … Un des rares après-midi où il tomba de la neige, mes frères me remirent un message du petit Grangier … C’était une lettre glaciale de Mme Grangier … Elle me priait de venir au plus vite … Que pouvait-elle me vouloir … (R. Radiguet).
– Est-ce que je rêve… Holà… Ouvrez … Qui viendra donc m’ouvrir … Hé … monsieur, ouvrez-moi, je vous prie …
– Je me demande pourquoi nous ne sommes jamais contents de notre sort…
– Oh … là là … que d’amours splendides j’ai rêvées … (A. Rimbaud).
Résultats : Les signes ci-dessous montrent la modalité de présentation des résultats obtenus.
Tableau 3 – L’emploi du point, du point d’interrogation
et du point d’exclamation
La lecture du tableau relatif à l’emploi des signes de ponctuation (le point, le point d’interrogation et le point d’exclamation) montre que, pour la première phrase, sur les vingt étudiants testés, huit ont commis une erreur dans l’emploi de la première marque et deux dans la deuxième avec une seule sans réponse. Pour ce qui est du troisième signe, l’erreur a été commise par sept étudiants avec une seule sans réponse. Sept étudiants n’ont pas pu saisir l’emploi de la marque demandée. Quant à l’utilisation du point d’interrogation, toutes les réponses données, sauf une, étaient correctes. Pour la deuxième phrase, un seul étudiant n’a pas pu identifier le premier point d’interrogation contrairement au deuxième point d’interrogation qui a été mal repéré par deux étudiants. Pour ce qui est du troisième signe, un seul étudiant a mal choisi la marque de ponctuation adéquate, six pour le deuxième signe ; toutes les réponses étaient justes pour le troisième et huit n’ayant pas pu saisir l’emploi de la dernière marque demandée. Pour la troisième phrase, douze étudiants n’ont pas pu repérer le point. Quant au choix du premier signe de ponctuation de la quatrième phrase, toutes les réponses étaient correctes. Deux étudiants en ont mal choisi la deuxième marque. Pour ce qui est du troisième signe, l’erreur a été commise par huit étudiants.
Tableau 4 – Emploi des signes de ponctuation demandés, en pourcentage
Le tableau ci-dessus montre le taux de bonnes réponses, celui des réponses fausses ainsi que celui des réponses non-exprimées. Nous pouvons le résumer comme suit : Pour le point, 67,5 % des étudiants testés ont pu choisir cette marque de ponctuation, 28,5 % ayant émis une fausse réponse et 03,75 % n’y ont pas répondu. 91,66 % est le taux de bonnes réponses pour le point d’interrogation, 5 % des réponses émises étaient fausses et 3,33 % de non exprimées.
4.1.2. Deuxième activité
La deuxième activité a pour objectif de vérifier si les étudiants savent justifier l’emploi de la virgule dans les phrases proposées :
Consigne : Justifiez l’emploi de la virgule.
– Les heures, les jours, les saisons, passent inexorablement.
– La nuit était admirable, calme, chaude, ardemment étoilée comme une nuit de canicule.
– Pourquoi donc, cher ami, n’as-tu pas répondu à ma lettre ?
– Ni l’or, ni la grandeur, ni les plaisirs ne sauraient nous rendre pleinement heureux.
Tableau 5 – L’emploi de la virgule
D’après les résultats obtenus, on constate que douze étudiants ont mal justifié l’emploi de la virgule dans la première phrase et dix pour la deuxième phrase avec trois sans réponse. Pour ce qui est de la troisième phrase, l’erreur a été commise par treize étudiants. Quant à la quatrième phrase, onze étudiants n’ont pas pu en justifier l’emploi.
Tableau 6 : Justification de l’emploi de la virgule
Le tableau ci-dessus nous résume le taux de bonnes réponses, celui de fausses réponses ainsi que celui des réponses non-exprimées. Les taux des réponses correctes sont répartis comme suit :
– La première phrase : 35 % de bonnes réponses ont été recensées contre 60 % de réponses fausses et 5 % de réponses non-exprimées.
– La deuxième phrase : 35 % de bonnes réponses ont été recensées contre 50 % de réponses fausses et 15 % de réponses non-exprimées.
– La troisième phrase : 15 % de réponses justes ont été recensées contre 65 % de réponses fausses et 20 % de réponses non-exprimées.
– La quatrième phrase : 35 % de réponses justes ont été recensées contre 55 % de réponses fausses et 10 % de réponses non-exprimées.
4.1.3. Troisième activité
La troisième activité a pour objectif de faire la distinction entre le point-virgule, les deux points, les points de suspension ainsi que les guillemets.
Consigne : Mettez, à l’endroit marqué par trois points, soit un point-virgule, soit deux points, soit des points de suspension, soit des guillemets.
– Soudain ma tante, palissant, dit d’une voix altérée … Mon sac, Louis, n’as-tu pas vu mon sac…
– Provoqué par ma chanson, un guerrier me perça le bras d’une flèche… je dis … Frère, je te remercie. … (R .de Chateaubriand).
– Albert Camus a écrit quelque part … Il n’y a rien de plus tragique que la vie d’un homme heureux. … (Ph. Delerm).
– Bravement cet homme revint d’Amérique pour faire une révolution … dans la confiserie.
Tableau 7 – L’emploi du point-virgule, des deux points,
des points de suspension et des guillemets
Nous pouvons répartir les résultats obtenus comme suit :
– La première phrase : Pour la première marque demandée, un étudiant a commis une erreur et un autre n’en a pas choisi aucun signe. Pour le deuxième signe, quatre étudiants n’y ont pas répondu. Quant à la troisième marque de ponctuation, l’erreur a été commise par cinq étudiants.
– La deuxième phrase : Quatre étudiants n’ont pas identifié le premier signe de ponctuation demandé. Un étudiant n’en a pas repéré la deuxième marque. Pour ce qui est du troisième signe, l’erreur a été commise par trois étudiants.
– La troisième phrase : Cinq étudiants en ont mal-choisi le premier signe contre cinq apprenants n’en en ayant pas trouvé la deuxième marque adéquate.
– La quatrième phrase : Dix-neuf erreurs ont été recensées contre une réponse juste.
Tableau 8 – L’utilisation des deux points, des points de suspension
et des guillemets, en pourcentage
Le tableau ci-dessus résume l’ensemble des réponses recensées selon leur correction. Elles sont réparties comme suit :
Première phrase :
– Pour le premier signe, 90 % des réponses données étaient correctes contre 5 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
– Pour la deuxième marque de ponctuation, 87,5 % des réponses données étaient correctes contre 5 % de fausses réponses et 7,5 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point d’interrogation, 70 % des réponses données étaient justes contre 25 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
Deuxième phrase :
– Pour le point-virgule, 80 % des réponses données étaient justes contre 20 % de réponses fausses.
– Pour les deux points, 90 % des réponses données étaient correctes contre 5 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
– Pour les deux guillemets, 85 % des réponses données étaient justes contre 7,5 % de fausses réponses et 7,5 % de réponses non-exprimées.
Troisième phrase :
– Pour la première marque de ponctuation, 70 % des réponses données étaient justes contre 25 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
– Pour la deuxième marque de ponctuation, 82,5 % des réponses données étaient justes contre 15 % de fausses réponses et 2,5 % de réponses non-exprimées.
Quatrième phrase :
– Pour les points de suspension, 5 % des réponses données étaient justes contre 95 % de fausses réponses.
4.1.4. Quatrième activité
La quatrième activité a pour objectif de savoir utiliser toutes les marques de ponctuation.
Consigne : Mettez les signes de ponctuation convenables aux endroits marqués par trois points.
– Quoi … Quand je dis … Nicole… apportez moi mes pantoufles … et me donnez mon bonnet de nuit … c’est de la pose … (Molière).
– Trois choses sont nécessaires pour arriver au succès… le talent … la méthode … la persévérance…mais peu de gens les possèdent …
– Hélas… si j’avais su …mais que ferai-je à présent …
– Son premier soin… le matin … quand il est levé… est de savoir ou il dinera… après diner … il pense ou il ira souper …
– Il nous a demandé comment il pouvait nous rejoindre …
Tableau 9 – L’utilisation des différents signes de ponctuation
Nous pouvons répartir les résultats obtenus comme suit :
Première phrase :
Pour la première marque demandée, quinze étudiants ont commis une erreur et trois autres n’ont pas complété les pointillés. Pour le deuxième signe, cinq apprenants n’y ont pas répondu. Quant à la troisième marque de ponctuation, l’erreur a été commise par huit étudiants. Pour la virgule, neuf étudiants dont deux n’y ayant pas répondu en ont mal choisi la marque adéquate contre treize pour l’autre virgule. Pour les guillemets, nous remarquons que dix-sept étudiants n’ont pas pu repérer ce signe de ponctuation contre seize qui n’en ont pas identifié la dernière marque.
Deuxième phrase :
Pour les deux points, deux étudiants n’ont pas pu saisir l’emploi de ce signe. Les deux virgules demandées n’ont pas été identifiées par un étudiant contre douze étudiants pour le point-virgule et trois autres pour le point.
Troisième phrase :
L’ensemble des étudiants ont pu repérer le point d’exclamation ; et guère pour les points de suspension. Il est à noter que deux étudiants n’y ont pas répondu.
Quatrième phrase :
Quatre étudiants ont commis une erreur pour la première virgule, quatre autres pour la deuxième, huit (avec deux n’y ayant pas répondu) pour la troisième et trois pour la quatrième virgule. Pour ce qui est du point-virgule, toutes les réponses étaient fausses sauf une correcte et une autre sans réponse contre trois autres pour le point.
Cinquième phrase :
Il est à noter que sept étudiants de nos interrogés n’ont pas pu identifier la marque de ponctuation demandée.
Tableau 10 – L’emploi des différents signes de ponctuation, en pourcentage
Nous pouvons résumer les résultats obtenus comme suit :
Première phrase :
– Pour le point d’exclamation, 10 % des réponses données étaient correctes contre 75 % de fausses réponses et 15 % de réponses non-exprimées.
– Pour les deux points, 70 % des réponses données étaient correctes contre 25 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
– Pour les guillemets, 32,5 % des réponses données étaient justes contre 42,5 %de fausses réponses et 25 % de réponses non-exprimées.
– Pour la virgule, 35 % des réponses données étaient justes contre 50 % de fausses réponses et 15 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point d’interrogation, 5 % des réponses données étaient justes contre 80 % de fausses réponses et 15 % de réponses non-exprimées.
Deuxième phrase :
– Pour les deux points, 80 % des réponses données étaient justes contre 10 % de réponses fausses et 10 % de réponses non-exprimées.
– Pour la virgule, 92,5 % des réponses données étaient correctes contre 5 % de fausses réponses et 2,5 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point-virgule, 40 % des réponses données étaient justes contre 60 % de fausses réponses.
– Pour le point, 80 % des réponses données étaient correctes contre 15 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
Troisième phrase :
– Pour le point d’exclamation et les points de suspension, 90 % des réponses données étaient fausses contre 10 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point d’interrogation, 70 % des réponses données étaient justes contre 25 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
Quatrième phrase :
– Pour la virgule, 70 % des réponses données étaient justes contre 26,25 % de fausses réponses et 3,75 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point-virgule, 5 % des réponses données étaient justes contre 90 % de fausses réponses et 5 % de réponses non-exprimées.
– Pour le point, 75 % des réponses données étaient correctes contre 15 % de fausses réponses et 10 % de réponses non-exprimées.
Cinquième phrase :
Pour le point, 65 % des réponses données étaient correctes contre 35 % de fausses réponses.
4.2. Interprétation des résultats
4.2.1. Première activité
Les résultats de la première activité montrent que la majorité des étudiants interrogés ont pu identifier les trois signes de ponctuation demandés, lesquels signes se trouvent à la fin d’une phrase sémantiquement complète et marquent une pause plus longue que celle d’autres signes de ponctuation. Néanmoins, dans le discours indirect, toutes les marques de ponctuation liées à une modalité bien particulière devraient être remplacées par un point, cela explique l’erreur commise par certains étudiants n’en ayant pas trouvé le signe adéquat. En effet, il semble que ces derniers se soient référés au pronom interrogatif accompagnant un verbe introducteur lié indirectement à ce démarcatif en l’absence des deux points et des guillemets.
4.2.2. Deuxième activité
La deuxième activité visait à mieux comprendre l’usage syntaxique de la virgule et à évaluer la compétence de justification de tout un chacun. En effet, nombreuses sont les difficultés rencontrées par nos interrogés lors de la justification de l’emploi de la virgule, ce qui explique le nombre d’erreurs commises par les apprenants testés. Il serait nécessaire, nous-semble-t-il, de justifier le fonctionnement de la virgule selon la structure de l’énoncé. En d’autres termes, les lois de ponctuation de Tournier (1980) et de Catach (1996) expliquent l’indissociabilité de l’effet de la structure de la phrase sur le choix du signe de ponctuation. En guise d’exemple, l’énumération est formée d’un ensemble de mots juxtaposés ayant, dans leur ensemble, la même fonction grammaticale. L’agrammaticalité d’une suite de mots non-séparés morphologiquement s’explique par cette structuration incohérente qui nécessite la mise en place d’une marque de ponctuation de moyenne durée telle que la virgule. Il importe donc d’analyser l’enchaînement sémantico-grammatical des mots avant le choix du signe de ponctuation adéquat. En outre, le nombre de récurrences de « ni » a un effet sur l’usage de la virgule. La répétition de « ni » plus de deux fois nécessite l’emploi de la virgule et la négation explétive.
4.2.3. Troisième activité
En nous appuyant sur les résultats relatifs à la troisième activité, les apprenants interrogés éprouvent des difficultés dans l’identification des deux signes de ponctuation à savoir : le point-virgule et les points de suspension. En effet, le non-repérage de la première marque de ponctuation en question s’explique par la ressemblance syntactique ternaire existant entre la virgule, le point et le point-virgule. Désambigüiser l’usage de ce dernier nécessite une réécriture formelle de l’énoncé. En d’autres termes, le point-virgule relie d’une part deux sous-phrases et non des propositions interdépendantes. D’autre part, la durée de la pause marquée par ce signe de ponctuation est relativement moyenne par rapport à la virgule et le point. De plus, le deuxième signe non-relevé, marqué par une difficulté ressentie et plus d’erreurs commises par les apprenants, se caractérise par sa variabilité fonctionnelle. Son potentiel syntaxique exprimé par trois points ainsi que sa valeur sémantique caractérisant une idée laissée en suspens justifient sa position dans l’énoncé et sa visibilité informelle.
4.2.4. Quatrième activité
Cette activité récapitulative visait à identifier l’ensemble des signes de ponctuation mis en relation dans des phrases relativement longues. Un écrit grammaticalement structuré et sémantiquement cohésif se base sur l’usage de chaque marque de ponctuation, son régime syntaxique ainsi que son effet sur la signifiance produite. En effet, les résultats obtenus montrent que la majorité des apprenants interrogés éprouvaient des difficultés de plusieurs ordres : cognitif, linguistique, etc. De plus, plusieurs paradoxes ont été relevés :
– La compréhension : Il est à noter que certaines questions liées à ces résultats devraient être posées. Dans cette activité, les apprenants n’ont pas pu distinguer entre le point, le point d’interrogation et le point d’exclamation. Or, les mêmes signes de ponctuation ont été facilement repérés dans la première activité. L’instabilité des positions structurelles de ces derniers avaient un effet sur leur bon repérage, car, en guise d’exemple, le point d’exclamation peut se placer après un mot-outil.
– La structuration : Choisir le signe de ponctuation adéquat est lié souvent à l’effet de sens des syntagmes mis en relation, car l’idée reçue d’un énoncé est le résultat des relations existant entre les différentes parties de discours ainsi que de l’interprétation de cette structure syntaxique.
Conclusion
La ponctuation, outil de mesure de cohérence syntaxico-sémantique d’un énoncé, demeure l’un des sujets les plus difficiles à enseigner en classe de langue. Sa complexité ainsi que la variabilité de son système de valeurs entravent son application à l’écrit et son effet sur la lecture et la prosodie. En effet, il nous semble que l’enseignement de ce savoir-savant abstrait ne doit pas se limiter à un simple usage systématique, mais il doit se focaliser sur l’analyse rigoureuse d’un écrit (un texte) et d’en tirer par déduction les règles grammaticales :
À l’école, l’enseignement de la grammaire consiste en un apprentissage des règles de la langue française, et des exceptions, aux fins de permettre à tous les élèves d’exprimer leur pensée au plus juste de leurs intentions, mais aussi d’analyser avec rigueur et vigilance les propos oraux et les textes qui leur sont adressé (De Robien, 2007 : 19).
De plus, prendre en considération l’effet du choix d’une marque de ponctuation sur le sens de l’énoncé peut contribuer à la générativité de nouveaux styles d’apprentissage et d’autres stratèges d’analyse scripturaire. L’exploitation de la ponctuation en classe de langue nécessite une réhabilitation cognitive sur ce que peut produire la position de cette marque comme sens et une réécriture formelle des différents syntagmes. Il semble que l’usage des signes de ponctuation soit lié à certains niveaux d’analyse syntaxique et à l’intention de l’émetteur. L’exploration de ce système de ponctèmes à travers les textes serait, nous semble-t-il, une revalorisation de ses valeurs et une restructuration didactique de son enseignement.
Annexes
Bentolila, A. (1995). Grammaire. Paris : Nathan.
Catach, N. (1996). La Ponctuation : histoire et système, Paris : PUF.
Catach, N. (1980). La ponctuation. Langue Française, n° 45, pp. 16-27.
Dufour, M.-P. & Ghartrand, G.-S. (2014). Enseigner le système de la ponctuation. Le Français au jourd’hui, n° 187, pp. 91-99.
Grevisse, M. et Najoux, C. (2014). La ponctuation (règles, exercices et corrigés). Paris : De Boeck.
Grevisse, M. (1995). Le précis de la grammaire française. Paris : De Boek.
Riegel, M. & al. (2005) Grammaire méthodique du français. Paris : PUF.
Lemaître, B., (1995). La ponctuation : un savoir enseignable ? Enseigné ? Spirale - Revue de Recherches en Éducation, n°15, pp. 161-195.
Tournier, C. (1980). Histoire des idées sur la ponctuation, des débuts de l’imprimerie à nos jours. Langue française, n°45, pp. 28-40.